Dans le monde

Syrie : la protection des populations, prétexte à une nouvelle intervention impérialiste ?

Depuis que le régime syrien de Bachar al-Assad a été accusé d’avoir mené, samedi 7 avril, une attaque chimique à Douma, dans l’enclave de la Ghouta, les réactions se succèdent de la part des principaux dirigeants occidentaux pour se déclarer partisans d’une « réponse ferme ».

Trump a promis, le 9 avril, une décision imminente sur la réponse à donner pour faire payer Assad, et son ministre de la Défense n’a pas exclu des frappes contre le régime syrien.

On assiste donc à une campagne médiatique, notamment en France, destinée à justifier d’avance une action militaire prétendument destinée à protéger la population civile. Ce n’est pas la première fois que les dirigeants occidentaux haussent le ton et menacent le régime syrien. Peut-être les dirigeants américains iront-ils jusqu’à décider des bombardements sur la Syrie, comme ceux qui avaient visé une base aérienne syrienne en avril 2017, avec toujours le prétexte de sanctionner l’usage de gaz toxiques par le régime d’Assad.

Mais cette évolution ne doit rien à une soudaine compassion pour les populations syriennes. Avec ou sans armes chimiques, le régime a déjà fait la preuve qu’il était prêt à massacrer des populations civiles dans cette guerre qui se mène depuis 2011 et qui a fait, à ce jour, plus de 350 000 morts. Depuis le début des affrontements en Syrie, les États-Unis ont certes critiqué la dictature d’Assad, mais ils ont montré qu’ils étaient tout à fait prêts à s’accommoder de son maintien au pouvoir, en particulier quand ils ont fait de la guerre contre Daech leur priorité.

Mais la débâcle des milices de Daech a créé une situation nouvelle qui est loin de satisfaire les dirigeants américains. En effet, grâce à l’appui de la Russie, le régime d’Assad s’est renforcé aux dépens des milices soutenues par l’Arabie saoudite, alliée des États-Unis. Mécontente de l’appui américain aux Kurdes, la Turquie s’est rapprochée récemment de la Russie. Ainsi, le 4 avril, s’est tenu un sommet réunissant, aux côtés du président turc Erdogan, Poutine et le président iranien Hassan Rohani, pour discuter du règlement du conflit syrien.

Par ailleurs, ces interventions occidentales surviennent, et ce n’est certainement pas un hasard, au moment où sont expulsées de la Ghouta les dernières milices djihadistes qui l’occupaient, financées par l’Arabie saoudite. Pour le prince saoudien MBS justement en visite aux États-Unis et en France pour faire connaître ses desiderata, c’est une de ses dernières possibilités d’influer sur l’avenir de la Syrie qui disparaît. Pour les États-Unis aussi, c’est risquer de perdre un atout. Trump qui, quelques jours auparavant, avait déclaré son désir d’évacuer les troupes américaines de Syrie, a donc subitement changé d’avis, ne serait-ce que pour faire plaisir à son protégé saoudien.

Ce dernier revirement américain sera-t-il durable, ou ne sera-t-il qu’une gesticulation de plus, imitée servilement par la France de Macron ? En tout cas, en renforçant leur pression sur le régime syrien, les dirigeants américains voudraient affirmer qu’aucun règlement politique ne peut se négocier sans eux. Leur indignation de commande, sous prétexte d’usage d’armes chimiques, ne vise nullement à défendre la population syrienne, ni à mettre fin à ses souffrances et à la guerre qui dure depuis sept ans, mais seulement à continuer à imposer leur droit de participer à l’ignoble partie d’échecs qui se joue avec le sang des populations.

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