Corée du Nord : dégel diplomatique ?21/03/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/03/2590.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Corée du Nord : dégel diplomatique ?

Après des mois de menaces atomiques entre les États-Unis et la Corée du Nord, les relations entre les deux pays sont-elles en train d’évoluer vers le dégel ? Un sommet entre les dirigeants américain et nord-coréen, Trump et Kim Jong-un, serait en préparation pour la fin du mois de mai.

Après les jeux Olympiques, où les délégations des deux Corées avaient défilé conjointement, les choses se sont accélérées. Une poignée de main historique a eu lieu le 6 mars à Pyongyang, capitale de Corée du Nord, entre Kim Jong-un et le chef des services de sécurité sud-coréens.

Il est clair que le régime nord-coréen, lorsqu’il voulait montrer sa capacité à maîtriser l’arme nucléaire, visait surtout à obtenir des négociations avec les États-Unis. Car, contrairement à ce que peuvent rabâcher les médias occidentaux, l’isolement de la Corée du Nord lui a été imposé par l’impérialisme américain.

L’isolement forcé de la Corée du Nord

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, pour préparer la capitulation du Japon, le plan des États-Unis était de partager la péninsule coréenne en deux zones d’influence, l’une au sud du 38e parallèle sous leur autorité, l’autre au nord sous celle de l’URSS. Mais l’explosion sociale qui fit suite à l’effondrement militaire japonais en août 1945 vint compromettre ces plans. Des comités du peuple virent le jour dans tout le pays et fondèrent le 6 septembre 1945 une République populaire de Corée. Le Parti communiste coréen, sorti de la guerre comme le parti le plus puissant, mit tout son poids pour freiner les aspirations à la révolution sociale et canaliser la contestation sur le seul terrain du nationalisme. Malgré cela, lorsque l’armée américaine débarqua, elle refusa de négocier avec ces comités et, s’appuyant sur des dirigeants liés aux classes riches et compromis avec le colonisateur japonais, elle mit en place un régime dictatorial à sa botte.

Au Nord, se réfugièrent alors la grande majorité de ceux qui étaient pourchassés au Sud. Et, dans sa zone d’occupation, l’armée soviétique mit en place un pouvoir regroupant le PC coréen et différents courants nationalistes qui fusionnèrent pour fonder le Parti des travailleurs de Corée du Nord, dont le dirigeant, Kim Il-sung, était le grand-père du dictateur nord-coréen actuel. Le régime était autoritaire, ne tolérant aucune contestation, mais il appliqua une réforme agraire radicale qui le rendit populaire y compris au Sud où, à l’inverse, les nouveaux dirigeants s’étaient accaparé les terres.

Fort de cette popularité, le régime du Nord tenta en 1950 de réunifier le pays en lançant une offensive militaire. Ce fut le début de la guerre de Corée. Pendant trois ans, le pays fut plusieurs fois ravagé par les offensives et les contre-offensives des armées du Nord, soutenues par la Chine, et de celles du Sud, soutenues par les États-Unis. La population coréenne en sortit profondément meurtrie et toujours coupée en deux, de part et d’autre du 38e parallèle.

Le Nord fut alors soumis à un des embargos les plus longs de l’histoire, que seuls limitaient ses liens économiques avec la Chine et avec les régimes d’Europe de l’Est, avant leur effondrement. Au Sud, les dictateurs militaires qui se succédèrent utilisèrent l’anticommunisme et la prétendue menace du Nord pour faire taire toute opposition et terroriser une classe ouvrière naissante et de plus en plus puissante au fur et à mesure de l’industrialisation rapide du pays. Cette industrialisation encadrée par un strict étatisme, fruit des commandes et des investissements américains puis japonais, notamment au cours de la guerre du Viêt-Nam, donna naissance à des concentrations industrielles exceptionnelles, les chaebols, dont les plus connues aujourd’hui en Europe sont Samsung, Hyundai ou LG.

Une nouvelle politique des États-Unis ?

Aujourd’hui, Trump semble vouloir infléchir sa politique. Ce n’est pas la première fois que l’impérialisme américain joue cette carte. Il y a près de vingt ans, à l’initiative d’un gouvernement de centre-gauche sud-coréen, une politique dite du rayon de soleil avait entraîné des rencontres internationales. La Corée du Nord avait reçu un semblant d’aide internationale, et de timides relations économiques s’étaient développées entre les deux Corées. Mais, au bout de quelques années, l’administration américaine avait décidé d’y mettre fin, mettant à nouveau la Corée du Nord sur sa liste rouge.

Quel sera l’avenir de l’ouverture actuelle ? On ne peut le prédire. Les choix politiques de l’impérialisme américain sont motivés par ses intérêts géostratégiques. Et, derrière le bras de fer entre les États-Unis et la Corée du Nord, il y a leur volonté d’être les maîtres du jeu dans cette région du monde, face à la Chine, concurrent commercial qu’ils veulent dominer, mais aussi face à leurs alliés comme le Japon, à qui ils imposent leur politique. Profiter de l’ouverture à laquelle Kim Jong-un semble être prêt rentre dans cette stratégie. À cela s’ajoute évidemment l’imprévisibilité de la politique d’un Donald Trump.

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