Liberia : George Weah, nouveau serviteur des classes riches24/01/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/01/2582.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Liberia : George Weah, nouveau serviteur des classes riches

Après avoir remporté les élections avec 61,5 % des voix, George Weah vient d’être investi président du Liberia. Enfant des bidonvilles devenu un footballeur célèbre, il suscite une vague d’espoirs dans la population pauvre. Mais les phrases qu’il a prononcées lors de son discours d’investiture, « Nous tendons la main aux investissements directs étrangers » ou « Nous voulons qu’on parle de nous comme un gouvernement favorable au secteur privé », montre bien que ce sont surtout les attentes des nantis et des multinationales qui risquent d’être satisfaites.

Nos camarades de l’Union africaine des travailleurs communistes internationalistes (UATCI-UCI) reviennent sur cette élection dans le dernier numéro de leur journal Le pouvoir aux travailleurs.

« À l’annonce des résultats, des milliers de personnes sont descendues dans la rue, notamment au siège et aux environs du parti de George Weah, pour manifester leur joie. Rappelons que le Liberia a été fondé en 1816-1817 par des descendants d’esclaves affranchis d’Amérique qui avaient regagné leur terre d’origine, l’Afrique, grâce à la Société nationale d’Amérique de colonisation.

Indépendant depuis 1847, le Liberia est donc la première république du continent africain. Mais, les élections se faisant selon la règle du suffrage censitaire (seuls les colons américano-libériens et leurs descendants avaient le droit de vote), leur parti, le True Whig, exerça le pouvoir durant plus d’un siècle. À l’inverse, les autochtones du Liberia, dont les aïeuls n’avaient pas connu l’esclavage en Amérique, étaient maintenus en condition de travail forcé pour le compte de multinationales de l’industrie du caoutchouc. Ce n’est qu’en 1945 que les autochtones se sont vu accorder le droit de vote par le président de l’époque, William Tubman, lui-même américano-libérien.

Les Américano-Libériens ne représentent que 5 % de la population totale (4,6 millions d’habitants aujourd’hui), mais ce sont les élites issues de cette diaspora qui ont continué à diriger ce pays. Ce qui est nouveau, c’est que pour la première fois deux “indigènes” se sont retrouvés face à face au deuxième tour d’une élection présidentielle.

George Weah est un enfant des bas quartiers, des ghettos ; il n’a jamais fait d’études. Dans le milieu de la bourgeoisie locale, on lui reproche de ne pas maîtriser l’anglais classique. Mais beaucoup d’électeurs des milieux défavorisés se sont reconnus en lui. Son concurrent, Joseph Boakai, était aussi un enfant des quartiers populaires, mais lui avait fait de longues études universitaires et maîtrise parfaitement l’anglais. Il a été vice-président sous le gouvernement précédent d’Ellen Johnson Sirleaf.

Georges Weah accède au pouvoir dans l’un des pays les plus pauvres du monde, malgré d’importantes ressources naturelles : fer, diamant, or, caoutchouc ou huile de palme. De plus, le Liberia sort d’une longue guerre civile (de 1989 à 2003) qui a fait plus de 250 000 victimes. À cela s’est ajoutée l’épidémie Ebola qui a frappé de plein fouet le pays en 2014, faisant environ 15 000 morts. Actuellement, le pays souffre de manques criants dans certains secteurs clés comme l’éducation, la santé, les infrastructures, et connaît également un très fort taux de chômage. Et à cela s’ajoute la corruption. L’eau potable et l’électricité ne sont accessibles qu’à une poignée de gens riches.

Nombre d’électeurs des classes pauvres ont soutenu la candidature de Weah, car il a promis d’améliorer leur situation : école obligatoire et gratuite, lutte contre la corruption, développement des infrastructures et de la santé, relance des sites miniers pour favoriser l’embauche, etc. Mais son alliance avec certains poids lourds de la politique qui traînent de grosses casseroles ainsi que ses accointances avec le sinistre seigneur de guerre Prince Johnson ou avec l’ancien dictateur Charles Taylor (condamné à cinquante ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité), annoncent déjà ce que sera sa politique au sommet de l’État. Et ce n’est pas un hasard s’il a choisi comme colistière Jewel Howard Taylor, l’ancienne épouse de Charles Taylor.

George Weah, malgré ses promesses envers les pauvres, les jeunes des quartiers populaires, sera avant tout le serviteur des exploiteurs, au service de l’impérialisme, notamment américain. Les grands patrons des multinationales qui pillent les richesses naturelles de ce pays vont continuer à s’en mettre plein les poches. En laissant toutefois des miettes substantielles à leurs sous-fifres locaux qui veillent sur leurs intérêts. »

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