Turquie : plus dure sera la chute ?27/12/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/12/2578.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : plus dure sera la chute ?

Le 25 décembre, un tribunal d’Istanbul a ordonné le maintien en détention de quatre collaborateurs du quotidien d’opposition Cumhuriyet (La République). Dix-sept de ses responsables, journalistes ou employés font l’objet de poursuites pour « activités terroristes » car, pour encourir une telle accusation, il suffit d’avoir collaboré à un journal critique à l’égard du président.

À coups d’arrestations de journalistes, Erdogan a pratiquement réussi à museler la presse et les médias, ne laissant libres de s’exprimer que ceux qui sont pratiquement à ses ordres. Mais la presse est loin d’être la seule à subir ses foudres.

Ainsi, le 24 décembre, deux décrets signés d’Erdogan ont encore renforcé l’état d’exception en vigueur depuis le coup d’État manqué du 15 juillet 2016. Le premier a décidé le limogeage de pas moins de 2 576 fonctionnaires, policiers, militaires ou universitaires. Ils viennent s’ajouter aux quelque 150 000 ayant déjà fait l’objet d’une mesure similaire, sans parler des dizaines de milliers d’arrestations qui ont frappé non seulement les suspects d’appartenance à la secte güleniste, rivale de celle d’Erdogan, mais nombre de militants de gauche ou de soutiens de la cause kurde.

Le second décret, en revanche, accorde l’immunité à toute personne, quel que soit son acte, qui agirait pour combattre le « terrorisme » ou pour prévenir une tentative de renversement du gouvernement. Sachant que, pour Erdogan, la définition du terroriste s’apparente à celle d’opposant, ce décret absout d’avance toute personne, quoi qu’elle ait fait, qui dira avoir agi pour défendre l’ordre et le gouvernement établis.

Avec ces dernières mesures, Erdogan fait encore un pas de plus dans l’arbitraire. Un an et demi après la tentative de coup d’État, son obsession de continuer à traquer tout ce qui peut évoquer une opposition tient de la paranoïa.

Après avoir pendant des années bénéficié d’une situation économique favorable, la Turquie s’enfonce dans la crise, la monnaie s’écroule, l’inflation s’envole et le soutien d’Erdogan dans l’opinion s’effrite, y compris dans la fraction des couches populaires qui avait assuré ses succès électoraux. Le maintien à tout prix de l’état d’urgence, lui aussi, est de moins en moins compris. La confédération patronale Tüsiad elle-même appelle à y mettre fin, accusant ce régime d’exception de compromettre le climat des affaires.

Erdogan sait que, s’il vient à perdre le pouvoir, les règlements de comptes commenceront contre lui et son clan. Il tente de prendre les devants, craignant un nouveau coup d’État ou tout simplement que les prochaines échéances électorales, prévues pour 2019, n’aboutissent à la fin du règne de son parti, l’AKP, qui gouverne en maître depuis 2002. Mais peut-être ne fait-il ainsi qu’accélérer sa chute.

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