Au temps des colonies : comment la France cherchait des champions20/12/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/12/2577.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 80 ans

Au temps des colonies : comment la France cherchait des champions

En décembre 1937, le journal L’Auto et la Fédération française d’athlétisme organisaient une mission en Afrique occidentale française (AOF). L’objectif : trouver de futurs champions.

En 1936, aux Jeux olympiques de Berlin, Hitler et les nazis avaient espéré une moisson de médailles pour les athlètes dits aryens. Patatras ! Les Allemands avaient été battus par les Noirs américains Jesse Owens, quadruple médaille d’or, Archie Williams, John Woodruff, Ralph Metcalfe ou Cornelius Johnson. Il n’en fallait pas plus pour que des responsables sportifs français, ayant en vue les JO prévus à Tokyo en 1940, cherchent des champions noirs. « Qu’attendons-nous pour rechercher dans la brousse de nos colonies les sujets qui nous représenteront dignement […] en attendant que la race française veuille bien consentir à s’occuper de sa propre santé ? », demandait le directeur de L’Auto. Ce journal, fondateur du Tour de France et grand quotidien sportif de son époque, fleurait bon le colonialisme et le racisme ; journal de la collaboration pendant la guerre, il allait être fermé en 1944, étant remplacé par L’Équipe, qui relate aujourd’hui ce sinistre épisode.

En allant au Sénégal et au Soudan français (Mali aujourd’hui), les membres de l’expédition croyaient à la supériorité physique « de la race noire », dont les causes, disaient-ils, « doivent être attribuées au fait que les indigènes africains sont restés plus près de la nature qu’une autre race. » Une fois sur place, les espoirs laissèrent place à la déception. À Dakar, « 1 500 petits Noirs » avaient été rassemblés dans un stade. Or, regrettait L’Auto, leurs qualités morales n’étaient pas celles des Blancs. « Malgré la chaleur, le stade est grouillant de négrillons de tout âge, qui courent, sautent et lancent. (…) Côté vitesse, nullité absolue. Ces gosses n’ont pas, comme ceux de la métropole, l’instinct de la lutte, le besoin de courir vite, le désir d’arriver le premier. » Le journaliste notait aussi cependant qu’ils ont tous « plus ou moins, les mollets et cuisses très grêles et les jambes en cerceau », avant de conclure : « La plupart des Sénégalais sont sous-alimentés, et c’est une des raisons de leur état déficient. » La mission allait faire un constat semblable au Soudan français, à Bamako notamment.

Rentrant bredouilles en janvier 1938, les membres de la mission n’étaient pas devenus critiques de la colonisation, bien au contraire, mais plaidèrent pour que l’AOF soit mieux pourvue en… stades et pistes d’athlétisme.

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