Nigeria : Shell empoisonne et assassine13/12/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/12/2576.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Nigeria : Shell empoisonne et assassine

Amnesty international a souligné et appuyé le combat judiciaire d’Esther Kiobel, veuve de Barinem Kiobel, un opposant nigérian exécuté le 10 novembre 1995 avec huit autres militants, dont le plus connu était Ken Saro-Wiwa. Elle poursuit en justice la multinationale pétrolière Shell, qu’elle accuse de complicité active avec l’armée nigériane dans l’exécution de son mari.

Saro-Wiwa et Kiobel étaient militants du Mosop, le Mouvement pour la survie du peuple ogoni. Celui-ci est une des ethnies du delta du Niger, région du sud du Nigeria souillée depuis les années 1960 par les grandes compagnies pétrolières, qui y extraient un maximum de pétrole à très bas coût. D’après Le Monde, entre 1970 et 2000, le delta du Niger a subi plus de 7 000 fuites d’oléoducs. Une enquête récente, réalisée par des scientifiques suisses, conclut que ces fuites causent aujourd’hui la mort de 16 000 nourrissons par an, sur une population de six millions de personnes.

Créé en 1990, le Mosop exigeait que Shell, seul exploitant présent en pays ogoni, utilise une fraction de ses énormes profits pour réparer les dégâts dont il est responsable. Il a organisé avec succès plusieurs blocus des installations de Shell. Le mouvement menaçant Shell et la dictature nigériane, en août 1993 le Mosop fut interdit. L’armée nigériane réprima les Ogonis, tuant, violant, rasant des villages. Les neuf dirigeants du Mosop furent arrêtés, inculpés, condamnés à mort par un tribunal militaire après dix mois d’une parodie de procès, puis pendus.

Depuis, Esther Kiobel accuse Shell de complicité pour les actes de torture et meurtres commis contre le peuple ogoni. Elle démontre que Shell a mis ses propriétés à disposition de l’armée nigériane, a fourni des moyens de transport aux militaires, les a approvisionnés et leur a versé des allocations. Après avoir saisi en vain les tribunaux nigérians, elle a saisi la justice fédérale américaine en 2002. En 2013, au bout de onze années de lutte judiciaire, la Cour suprême américaine a définitivement rejeté sa plainte. En juin dernier, elle a, avec quatre autres veuves, déposé une nouvelle plainte à La Haye, aux Pays-Bas, où est le siège international de Shell.

En lui opposant depuis toujours une fin de non-recevoir, la justice joue son rôle : protéger les intérêts d’une multinationale au chiffre d’affaires de 460 milliards de dollars. Mais le combat d’Esther Kiobel fait connaître les pratiques d’une des plus riches entreprises mondiales, qui non seulement empoisonne la population et l’environnement du delta du Niger, mais utilise des moyens d’État pour faire assassiner ceux qui la dénoncent.

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