Dans le monde

Chili : l’émergence du Frente amplio

Le 17 décembre, c’est le second tour de l’élection présidentielle au Chili. Le 19 novembre avait lieu le premier tour, en même temps que les élections générales. Selon les sondages, c’était une affaire réglée par avance. La présidente socialiste sortante, Michelle Bachelet, ne se représentant pas, elle allait à coup sûr céder la place au candidat de droite, Sébastien Piñera. Mais les électeurs n’ont pas suivi les sondeurs et la victoire de la droite est désormais moins sûre.

Le candidat de droite à la présidentielle est en lice pour le second tour, mais il n’a obtenu que 36 % des voix alors que certains le voyaient élu au premier tour. Il est opposé au candidat de la coalition conduite par le socialiste Alejandro Guiller, qui espère succéder à la présidente sortante, mais n’a réuni que 22 % des voix. La surprise du premier tour a été le succès de la candidate du Front large (Frente amplio), Beatriz Sánchez, qui a obtenu 20 % des voix, permettant au Front d’avoir vingt députés et un sénateur.

À la manière des partis européens comme Podemos en Espagne, la France insoumise en France ou Syriza en Grèce, le Front large se veut une alternative électorale au Parti socialiste et à la Démocratie chrétienne qui, au Chili, se sont usés au gouvernement pendant des décennies, d’abord séparément puis ensemble en coalition.

Le Front large est un regroupement d’organisations assez hétéroclite où on trouve le parti libéral, des libertaires, des écologistes, le Parti humaniste et des autonomistes. Son programme est un mélange qui entend séduire divers électorats. Il est écologiste, féministe, régionaliste, pour la cause animale, pour les étudiants. Il se dit contre le néolibéralisme et l’oligarchie, oppose la caste politique corrompue aux « mains propres ». Il prétend défendre les services publics mais, comme tous les réformistes, sans s’attaquer au capitalisme qui ne cesse de les remettre en cause. Selon lui, une opposition parlementaire, s’appuyant sur la loi, doit suffire à les défendre.

Le Front reprend à son compte les réformes qu’il juge « progressives » menées sous la présidence de Bachelet, mais relaye aussi les mouvements sociaux qui se sont manifestés contre ces réformes. Ainsi, s’il soutient le mouvement qui dénonçait dans la rue le système de gestion privée des retraites, il en accepte certains aspects. S’il peut évoquer le monde du travail, le Front ne dénonce pas la politique antiouvrière menée sous Bachelet, comme le salaire minimum de misère négocié par le gouvernement avec les bureaucrates de la CUT, la centrale syndicale chilienne. Et il ne dénonce pas la criminalisation des grèves.

La simple arithmétique montre qu’au deuxième tour de l’élection présidentielle, si le candidat socialiste récupère les votes du Front large du premier tour, il peut l’emporter. Des tractations ont eu lieu entre les deux formations. Quoi qu’il en soit, les travailleurs et les classes populaires n’ont pas grand-chose à attendre de l’éventuel gouvernement de gauche qui pourrait en résulter, et qui d’ailleurs ne serait nullement assuré d’une majorité au Parlement.

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