il y a cent ans

novembre 1917 : la déclaration Balfour

Il y a cent ans, le 2 novembre 1917, le ministre des Affaires étrangères britannique Lord Balfour envoyait une lettre au baron Lionel Walter Rothschild, en tant que président de l’antenne anglaise du mouvement sioniste. Il y affirmait l’engagement de son gouvernement à favoriser la création d’un foyer national juif en Palestine.

Cette lettre, connue sous le nom de déclaration Balfour, est souvent présentée comme l’élément fondateur de l’État d’Israël. L’idée de constituer un foyer de population juive était théorisée par le journaliste juif autrichien Theodor Herzl depuis la fin du 19e siècle. Au sein des nombreux peuples des empires austro-hongrois, russe et ottoman en particulier, se développaient des courants nationalistes exprimant les aspirations de fractions bourgeoises à disposer de leur propre État, mais aussi la réaction de nombreuses minorités nationales à l’oppression qu’elles subissaient. Parallèlement, les grandes puissances occidentales achevaient de se partager le monde.

Herzl avait donc voulu s’ériger en porte-parole des minorités juives européennes en butte à l’antisémitisme, mais en inscrivant son projet dans le sillage du colonialisme des puissances européennes et en proposant de se faire l’instrument de leur politique. Ainsi écrivait-il en 1896 : « Pour l’Europe nous constituerions là-bas un avant-poste contre l’Asie, nous serions l’avant-garde de la civilisation contre la barbarie. »

Un an plus tard en 1897, Herzl parvint à réunir 204 délégués pour un premier congrès. Après quelques hésitations, la Palestine fut choisie comme le lieu d’installation du futur État juif. En 1901, un fonds national juif fut créé, dont l’objectif était de financer l’immigration juive en Palestine.

Cette politique était loin de convaincre l’ensemble des Juifs. Ceux qui voulaient fuir la misère ou la violence des attaques antisémites rejoignaient en majorité les États-Unis, la France ou l’Angleterre. Beaucoup aussi ne se reconnaissaient pas dans cet objectif nationaliste et rejoignaient le mouvement ouvrier, en tant qu’émigrés ou dans leur pays d’origine, dans des partis socialistes ou des organisations spécifiques juives telles que le Bund dans l’empire russe.

Une petite minorité commença à émigrer en Palestine, où la terre était répartie en grands domaines appartenant à quelques grands propriétaires arabes. Ces derniers étaient pour beaucoup prêts à vendre leurs terres aux colons juifs, sans se soucier de ce que deviendraient les paysans arabes qui y vivaient.

À la veille de Première Guerre mondiale, le nombre de Juifs en Palestine restait très modeste, autour de 85 000 sur 600 000 Palestiniens.

Une terre au moins deux fois promise

En 1914, l’empire ottoman s’allia à l’Allemagne pour tenter de résister aux visées franco-britanniques sur ses territoires. L’accord Sykes-Picot, du nom des diplomates français et anglais qui le négocièrent secrètement en 1916, prévoyait à la fin de la guerre un partage des territoires jusque-là sous tutelle ottomane. Il bénéficiait de la caution du gouvernement russe. Les zones qui constituent aujourd’hui la Syrie et le Liban étaient réservées à la France alors que l’Irak, la Transjordanie et la Palestine devaient faire partie de la zone d’influence britannique. Cet accord, bien évidemment secret, n’allait être connu des protagonistes qu’après sa publication par le gouvernement issu de la Révolution d’octobre 1917, dans les semaines qui suivirent la prise du pouvoir.

Dans le même temps les Britanniques passèrent un accord avec le chérif de la Mecque, Hussein, à qui ils promirent, en échange de son engagement militaire, leur appui pour la formation d’un grand État arabe sur les dépouilles de l’empire ottoman. Et au même moment l’impérialisme britannique appuyait les projets sionistes avec la déclaration Balfour.

À la fin de la guerre, les puissances impérialistes se livrèrent au dépeçage de l’empire ottoman. Les accords Sykes-Picot s’appliquèrent et furent entérinés par la Société des nations, la SDN, précurseur de l’ONU. La promesse de création d’un grand royaume arabe fut enterrée. Les Britanniques continuèrent de favoriser l’immigration juive en Palestine, mais seulement dans la mesure où cela leur permettait de se poser en arbitre entre Juifs et Arabes dans la région.

Après la victoire du nazisme en Allemagne, l’extermination dans les camps, le peu d’empressement des Alliés à sauver les Juifs et à accueillir les rescapés, donnèrent force et crédit au sionisme. D’autant que des centaines de milliers de Juifs rescapés des camps n’eurent d’autre choix que d’émigrer en Palestine.

Mais, à partir de ce moment-là, la domination de l’impérialisme, la volonté des États-Unis de contrôler le Moyen-Orient au travers d’Israël, la politique des dirigeants sionistes et celle des monarques arabes jetèrent les bases d’un conflit sans fin.

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