Édouard Philippe aux Antilles : spectacle et réalité08/11/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/11/2571.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Édouard Philippe aux Antilles : spectacle et réalité

« Ce n’est pas avec des milliards » mais « avec des actions en profondeur » que l’on pourra régler les problèmes de ces territoires, avait dit Macron en Guyane. En écho, Édouard Philippe vient de déclarer aux Antilles : « On ne réfléchit pas en termes d’enveloppe financière. » Mais ce n’est valable que pour les travailleurs et la population, pas pour le patronat, même si pour lui, il ne s’agit pas pour le moment de milliards mais de millions. Quant à l’aide à la population sinistrée, elle se compte en centimes.

Pour les planteurs de banane de Martinique et Guadeloupe, dont le cyclone Maria a détruit la production, le gouvernement a déjà promis une aide de 20 à 30 millions d’euros et plus… parce qu’affinités. On sait combien les gouvernements arrosent d’aides et de subventions les gros planteurs békés ; quelques moyens et petits planteurs noirs et indiens bénéficient aussi de miettes. Quant aux grosses subventions européennes, elles ne tarderont pas. Généralement, les planteurs de banane se réjouissent des cyclones : ils leur permettent de mettre leurs travailleurs en chômage partiel ou total et d’empocher les aides.

Les entreprises des deux îles touchées par l’ouragan Irma à Saint-Martin et Saint-Barthélémy seront exonérées de cotisations sociales patronales jusqu’en novembre 2018, et peut être jusqu’au premier janvier 2020. Pour les familles sinistrées les plus défavorisées – c’est bien le moins – une aide atteindra 300 euros par adulte et pourra aller jusqu’à 900 euros par foyer, en fonction du nombre d’enfants.

Dans ces deux îles, l’avenir reste sombre pour les travailleurs dont beaucoup sont venus, après le cyclone, grossir le rang des chômeurs chroniques. En Guadeloupe et en Martinique, frappées par Maria, la situation de bon nombre de travailleurs agricoles est catastrophique.

Le décret de catastrophe naturelle n’a pas été pris pour la Guadeloupe, car, contrairement aux îles des Saintes, le vent n’y aurait pas soufflé assez fort. Or de nombreuses maisons de travailleurs ont perdu leur toiture.

Pour le reste, le voyage du Premier ministre flanqué de cinq ministres et secrétaires d’État était destiné à appliquer du chloroforme ici et là : dépôt de gerbe sur la tombe d’Aimé Césaire, discours de compassion aux marins pêcheurs, présence de la faire-valoir guadeloupéenne de service, Laura Flessel, ministre des Sports.

Quant à la ministre des Outremers, Girardin, elle a été très vite recadrée par ses supérieurs après ses propos mal venus fustigeant les enseignants absents à Saint-Martin et les menaçant de sanctions, alors que certains ont tout perdu sur l’île.

La rentrée scolaire à Saint-Martin fut le dernier acte du spectacle. Un enseignant a ainsi témoigné au journal France Antilles : « Le Premier ministre est allé dans la seule école qui n’a pas été touchée par le cyclone. […] À part faire le beau pour le JT de 20 h, je ne vois pas ce qu’il est venu faire. Le Premier ministre est allé où ça va bien. Ce n’est pas une rentrée normale. Est-ce qu’elle est précipitée ? C’est pire que cela, car nous sommes dans le flou pour cette année scolaire. On ne sait pas avec quel matériel nous allons travailler. Dans mon collège, les préfabriqués et les tentes promis par Macron ne sont jamais arrivés. Il va normalement être détruit pour être reconstruit. Nous avons été transférés dans un autre établissement ». Voilà qui lève le voile sur la réalité.

Partager