États-Unis : quand Trump décrète l’urgence sanitaire01/11/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/11/2570.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : quand Trump décrète l’urgence sanitaire

« Au moins 64 000 Américains ont succombé à une overdose l’an dernier. C’est sept vies perdues toutes les heures (…). Plus de personnes décèdent des suites d’une overdose que des suites cumulées d’homicides par arme à feu et d’accidents de voiture », vient d’annoncer le président américain, Donald Trump.

Les faits et chiffres qu’il cite ne concernent pas les toxicomanes en général, mais onze millions de patients dépendants aux médicaments opiacés, un million d’entre eux ayant en outre développé une dépendance à l’héroïne.

Intervenant sur ce qu’il a qualifié d’épidémie meurtrière, Trump l’a décrétée urgence de santé publique, tout en précisant qu’il faudra « des décennies pour faire face à ce fléau. »

Et en effet, cela risque de prendre du temps. Car, si Trump a voulu se couvrir en intervenant publiquement sur ce sujet et en évoquant des programmes destinés à combattre ce fléau, il n’a dégagé aucun budget supplémentaire pour cela.

Il n’a pas non plus expliqué comment cette crise avait pu se développer sans que les autorités interviennent et, ce qui n’étonnera personne, quel rôle a joué la puissante et richissime industrie américaine du médicament dans ce désastre.

Son origine remonte aux années 1990, quand les industriels de ce secteur se sont avisés que l’opium et ses dérivés sous forme médicamenteuse pouvaient représenter une formidable source de profits, si on en élargissait le marché.

Pour en étendre la consommation au-delà des toxicomanes, qui en étaient jusqu’alors les premiers utilisateurs, la campagne de l’industrie du médicament a visé les patients douloureux chroniques. Plus de cent millions d’Américains se plaignant du dos, il était tentant de leur faire prendre de la morphine, ou plutôt un composé bien plus cher, mais décrit comme ne présentant pas les mêmes risques de dépendance et d’overdose.

Pour que cela fonctionne au mieux des intérêts des groupes pharmaceutiques, il a suffi d’insister auprès des médecins pour qu’ils prescrivent ces produits en sous-estimant le risque de dépendance. Du coup, leurs ventes ont presque quadruplé en onze ans et, en 2012 aux États-Unis, on comptabilisait déjà plus de 259 millions de telles prescriptions, soit environ une par adulte.

Le nombre de ces nouveaux toxicomanes a explosé. Ils seraient en fait 25 millions, dont 90 % n’ont pas accès aux traitements de désintoxication, le plus souvent faute de couverture socio-médicale.

La dépendance médicamenteuse provoquée à grande échelle, les millions de patients qui en souffrent sans pouvoir se soigner, et qui en meurent parfois, tout cela est devenu un fléau sanitaire quasiment hors de contrôle dans le pays le plus développé de la planète. Même Trump le dit. Mais qui dira que cette gigantesque catastrophe sanitaire, qui aurait été évitable, a été provoquée par la seule soif de profits de quelques grands groupes capitalistes ?

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