Airbus – Toulouse : « On n’est pas dans le même avion ! »01/11/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/11/2570.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Airbus – Toulouse : « On n’est pas dans le même avion ! »

Vendredi 20 octobre, le nouvel Airbus A330neo a décollé pour la première fois devant des centaines de salariés et de sous-traitants, invités pour l’occasion. Quelques jours auparavant, Airbus avait pris une participation majoritaire dans le programme d’avions de C Series de l’avionneur canadien Bombardier. Et l’action Airbus caracole en Bourse, toujours en hausse.

Côté moins glorieux, ce sont les affaires qui rattrapent le groupe et ses dirigeants. Le 6 octobre, Tom Enders, le patron d’Airbus Group, a écrit à l’ensemble des salariés pour les prévenir qu’Airbus et lui-même seraient sous le coup de possibles pénalités financières, dans le cadre de plusieurs enquêtes pour corruption.

Le message est clair : « Soutenez votre direction et le conseil d’administration, et croyez en leur action… Restez concentrés sur votre travail. » Et d’ajouter : « Avec l’unité et le travail d’équipe, Airbus sortira renforcé et plus compétitif. » Autrement dit : silence dans les rangs et au boulot !

Plusieurs casseroles traînent depuis quelques années aux basques de la direction d’Airbus : irrégularités sur des transactions, soupçons de rétro-commissions, escroquerie, sociétés écrans paraît-il en lien avec un paradis fiscal aux Caraïbes. Les diverses enquêtes émanent du Parquet national financier en France, du Serious Fraud Office en Grande-Bretagne, mais aussi d’Autriche et d’Allemagne.

Cette accumulation a poussé Tom Enders à dévoiler un peu de la partie immergée de l’iceberg. Des enquêtes internes ont eu lieu, ainsi que des audits, menés notamment par un cabinet américain, et des mesures ont déjà été prises, entre autres à l’encontre de certains responsables. Poursuivi par la justice de plusieurs pays et ne voulant pas être écarté de certains marchés, Airbus préfère prendre les devants, et veut apparaître plus blanc que blanc.

Par ailleurs, certains commentateurs économiques évoquent la possibilité d’une intervention des services américains pour dénoncer auprès de la justice financière certaines pratiques du concurrent de Boeing. C’est une peau de banane dans la guerre que se livrent ces deux géants de l’aéronautique. On appelle cela, en termes choisis, une concurrence loyale et non faussée où tous les coups sont permis.

Au-delà de ces péripéties judiciaires qui ne surprennent que les naïfs ou les laudateurs du système capitaliste, tant ces pratiques sont courantes et la guerre économique acharnée, il y a dans la lettre d’Enders aux salariés des menaces à peine voilées. Derrière l’unité proclamée par les publications de la direction Airbus (« We are one »), transpire la volonté de faire payer aux travailleurs ses déboires judiciaires à venir.

Cela viendrait s’ajouter au fait qu’elle leur fait déjà payer, et compte continuer à le faire, les difficultés industrielles actuellement rencontrées notamment sur l’avion A400M et sur la motorisation de certains avions : plus de 50 avions sont cloués au sol, en attente de livraison. Cela a d’ailleurs été le prétexte pour annoncer des bénéfices en baisse en 2016 ainsi qu’au premier semestre 2017. Mais jamais il n’est question de faire payer les actionnaires. Ceux-ci ont empoché, au titre de 2016, 1,043 milliard d’euros, soit 105 % des bénéfices !

En revanche, les salariés de tout le groupe ont vu les primes d’intéressement rognées. Et il faudrait se serrer encore plus les coudes, accepter la perspective d’encore moins d’augmentations de salaire, moins d’intéressement, et aussi de plus de travail, c’est-à-dire plus d’heures supplémentaires, plus de stress, plus d’incertitudes pour les intérimaires ou les sous-traitants.

Dans les ateliers, le sentiment qui domine est que la direction d’Airbus n’a qu’à se débrouiller avec ses gros actionnaires pour gérer ses casseroles judiciaires. Les travailleurs n’ont aucune raison de se sentir solidaires, et encore moins de payer pour leurs pratiques, qu’elles soient légales ou illégales.

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