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Nucléaire iranien : comment déchirer un accord

Le président des États-Unis, Donald Trump, a refusé vendredi 13 octobre de certifier l’accord signé avec l’Iran en juillet 2015. En échange d’un contrôle international sévère de son industrie nucléaire, le blocus qui étranglait l’économie iranienne avait alors été levé.

Pour l’instant, ce traité n’est pas encore mort. La décision est désormais entre les mains des députés et sénateurs américains. De l’avis général des experts qui se sont exprimés, l’Iran n’a rompu aucun des termes de l’accord. Mais Trump ne s’embarrasse pas de ce genre de détails. Il lui a suffi de déclarer qu’il voulait « empêcher le régime iranien de menacer le monde avec des armes atomiques » pour justifier son geste. Les réelles motivations du chef de l’État américain sont évidemment ailleurs. Avec la fin de Daech et la nouvelle situation émergeant en Syrie et en Irak, Trump tient à mettre la pression sur le gouvernement iranien qui a des intérêts, des alliés et des troupes dans chacun de ces pays.

Mais Trump veut aussi directement défendre les intérêts du lobby pétrolier américain. D’une part, depuis la levée des sanctions avec l’Iran, celui-ci n’apprécie guère la concurrence sur le marché américain du pétrole en provenance de ce pays. D’autre part, il existe au milieu du golfe Persique le plus grand gisement de gaz naturel au monde, dit de South Pars, partagé entre l’Iran et le Qatar. Or pour l’instant, côté iranien, ce ne sont pas les compagnies pétrolières américaines qui sont aux premiers rangs de son exploitation, mais la compagnie française Total associée à un groupe chinois.

Après l’annonce de Trump, les autres États signataires de l’accord sur le nucléaire iranien, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Russie et la France, ont déclaré à l’unisson qu’elles souhaitaient la préservation de l’accord. Pour les dirigeants de ces pays, l’aggravation du sort des populations d’Iran que signifierait un retour de l’embargo n’est pas le problème. Par contre, comme l’a déclaré une avocate d’affaires impliquée dans des dossiers économiques avec ce pays, « il y a une quantité incroyable de sociétés qui souhaitent se développer en Iran ». Côté français, si Total salive devant les perspectives de profits à faire avec le gaz naturel, Renault n’est pas en reste, qui envisage la création d’une entreprise pour produire au moins 150 000 véhicules par an.

L’ironie de l’histoire est qu’il y a deux ans, au moment de la signature de cet accord aujourd’hui sur la sellette, les rôles étaient inversés. Les États-Unis et leur président Obama étaient à l’initiative et la France freinait des quatre fers. Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangère, disait alors « non à un accord qui permettrait à l’Iran d’avoir la bombe atomique » !

À l’époque, les États-Unis avaient besoin de l’Iran pour trouver une solution au chaos syrien et éradiquer Daech, même si cela signifiait froisser des alliés de longue date comme l’Arabie saoudite. La diplomatie française avait alors sauté sur l’occasion pour se faire le relais des rancœurs de l’Arabie saoudite, retarder la signature de l’accord avec l’Iran et obtenir en échange de profitables contrats. Dassault avait vendu ses Rafale au Qatar et à l’Égypte grâce à un financement saoudien, Areva son EPR, Airbus ses avions à Saudia Airlines, et Thales son système de défense antiaérien.

Comme on le voit, la question du nucléaire iranien, par quelque côté qu’on le prenne, à l’avantage de rapporter.

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