Le comité militaire révolutionnaire prépare l’insurrection04/10/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/10/LO2566_0.jpg.445x577_q85_box-0%2C11%2C158%2C216_crop_detail.jpg

Russie 1917 : la révolution au fil des semaines

Le comité militaire révolutionnaire prépare l’insurrection

Début octobre 1917, les bolcheviks avaient acquis la majorité dans les soviets de Petrograd, de Moscou, du Nord, de la flotte de la Baltique, ce qui reflétait les progrès spectaculaires de leur influence parmi les masses ouvrières et les soldats. Ces derniers envoyaient de partout des délégués au soviet de Petrograd : « Mais jusqu’à quand cette situation intolérable va-t-elle encore durer ? Les soldats nous ont ordonné de vous faire savoir que si d’ici au 1er novembre il n’y a pas d’avancées décisives vers la paix, il n’y aura plus personne dans les tranchées, l’armée tout entière se ruera vers l’arrière », disaient-ils notamment. Les campagnes, elles aussi, se soulevaient. Trotsky décrit ainsi cette période dans L’avènement du bolchevisme :

« C’était l’époque où nous nous dirigions ouvertement vers l’insurrection et où nous nous organisions pour la préparer. La date fixée pour la convocation du congrès panrusse des soviets était le 25 octobre. On savait déjà, sans l’ombre d’un doute, que le congrès se prononcerait pour la remise du pouvoir aux mains des soviets. Mais une telle décision devait entrer en vigueur sans attendre, sinon elle se transformerait en une manifestation platonique absolument indigne. (…) Nous avions proclamé publiquement, au nom du soviet de Petrograd et du congrès du Nord, que le deuxième congrès des soviets devait renverser le gouvernement de Kerenski et devenir le véritable maître de la terre russe.

L’insurrection était déjà réellement en marche. Elle se déployait complètement au grand jour, aux yeux de tout le pays. (…) C’était une époque de meetings incessants dans les usines, aux cirques Moderne et Ciniselli, dans les clubs, les casernes. L’atmosphère de tous les meetings, de toutes les réunions, était chargée d’électricité. Toute évocation de l’insurrection soulevait une tempête d’applaudissements et des cris enthousiastes. »

La bourgeoisie criait au danger. Le gouvernement Kerenski et ses soutiens, socialistes-révolutionnaires et mencheviks au soviet, sentaient le sol se dérober sous leurs pieds. Le pouvoir leur échappait. Quand le quartier général de l’armée réclama l’envoi au front d’une partie de la garnison de Petrograd, sous prétexte de protéger la capitale d’une avancée allemande, le soviet de Petrograd s’y opposa. Il se méfiait de l’état-major, la tentative de coup d’État de Kornilov, fin août, ayant déjà été précédée de l’éloignement de plusieurs régiments révolutionnaires.

« Le comité exécutif du soviet refusa d’apposer, les yeux bandés, son tampon sous l’ordre d’éloigner les deux tiers de la garnison. Il est indispensable, avons-nous alors déclaré, de vérifier si cet ordre répond effectivement à des considérations militaires, et donc de constituer un organisme pour ce faire. C’est ainsi qu’est née l’idée de former, avec la section des soldats du soviet, c’est-à-dire avec la représentation politique de la garnison, un organe strictement opérationnel, en l’occurrence le comité militaire révolutionnaire, un organe qui allait par la suite acquérir une puissance telle qu’il devint l’instrument concret du coup de force d’Octobre.

La première tâche du comité militaire révolutionnaire fut de nommer des commissaires dans toutes les unités de la garnison de Petrograd et dans toutes les institutions importantes de la capitale et des environs.

De divers endroits, on nous informait que le gouvernement ou, pour être plus exact, les partis gouvernementaux s’activaient à organiser et armer leurs forces. De différents dépôts d’armes, publics et privés, on sortait des fusils, des revolvers, des mitrailleuses, des cartouches, pour en armer les élèves des écoles militaires, les étudiants et, plus généralement, la jeunesse bourgeoise.

Il fallait prendre sans tarder des mesures préventives. On affecta des commissaires à tous les dépôts et magasins d’armes. Ils se rendirent maîtres de la situation pratiquement sans rencontrer d’opposition. Il est vrai que les commandants et les propriétaires des dépôts d’armes s’efforcèrent de ne pas reconnaître leur autorité, mais il suffisait de s’adresser au comité de soldats ou à celui des employés de chaque établissement pour que la résistance soit immédiatement brisée. Dès lors, on ne délivra plus d’armes que sur un ordre de nos commissaires. (…) Les régiments déclaraient les uns après les autres, à l’issue de meetings où étaient intervenus les représentants des différents partis, qu’ils ne reconnaissaient plus que les commissaires du soviet de Petrograd et qu’ils ne bougeraient que sur ses instructions. »

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