Edmond Maire : l’homme du “recentrage” de la CFDT04/10/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/10/LO2566_0.jpg.445x577_q85_box-0%2C11%2C158%2C216_crop_detail.jpg

Leur société

Edmond Maire : l’homme du “recentrage” de la CFDT

Edmond Maire, l’ancien secrétaire général de la CFDT, vient de décéder. Il avait dirigé la centrale syndicale de 1973 à 1988, en étant l’artisan de ce que certains ont appelé, à tort, le recentrage de la CFDT, car encore aurait-il fallu que la direction de la CFDT soit réellement partie à l’extrême gauche, comme cela le sous-entendait. Mais, que Maire se soit débarrassé de l’héritage de mai 1968, c’est certain.

La CFDT était la nouvelle dénomination que la majorité de la CFTC avait décidée en 1964, pour tenter d’élargir son audience en se débarrassant de sa référence chrétienne. Déjà, au cours de la guerre d’Algérie, une partie de ses cadres s’étaient engagés plus avant contre la guerre. Certains avaient rejoint le PSU, en particulier ceux venus de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC).

Avant 1968, la nouvelle centrale pouvait d’autant plus se permettre d’avoir un langage plus battant que la CGT que celle-ci, ultramajoritaire, jouait les gendarmes sociaux dans les entreprises. Sous prétexte du pouvoir fort de De Gaulle, l’appareil CGT s’opposait aux grèves et avait inventé les grèves tournantes, perlées, etc. La CGT, sous le contrôle direct du PCF, tenait à apparaître comme un syndicat responsable vis-à-vis des employeurs et de l’État.

Le mouvement de mai-juin 1968 allait créer l’ambiguïté sur le rôle et la place de la CFDT. Le PCF et la CGT se dressèrent vent debout contre la révolte étudiante de Mai 68, « contre les gauchistes et les provocateurs », avec le discrédit qui s’ensuivit dans la jeunesse étudiante d’abord, mais également dans des couches larges de la jeunesse, y compris de la jeunesse ouvrière.

L’attitude de la CGT pour contrôler et mettre fin au mouvement de grève fut aussi contestée par des travailleurs. La CFDT se permit une politique parfois contestatrice dans les entreprises. Et du coup, dans la classe ouvrière, elle put apparaître comme une alternative de gauche à la CGT.

L’exemple de la lutte des travailleurs de Lip, en 1973, dirigée par la CFDT, en a été sans doute l’exemple le plus frappant. Eugène Descamps, alors secrétaire de la CFDT, qui militait ouvertement pour l’arrivée de la gauche au gouvernement, avait été son porte-parole dans cette période. Mais la CFDT avait grandi et il fallait désormais qu’elle affirme son rôle de syndicat responsable, avec la prétention d’être l’interlocuteur privilégié du patronat et de l’État. Il lui fallait donc se débarrasser de tous ceux qui avaient cru que la CFDT était un syndicat contestataire. C’est le rôle que confia la centrale, en 1973, au nouveau secrétaire général, Edmond Maire.

Cela passa par l’exclusion de nombreux syndicats et syndicalistes. Bien des responsables assumèrent cette évolution sans problème. Il fallut aussi recruter sur de nouvelles bases dans certains secteurs, pour assurer la transition vers la nouvelle image désirée par la direction.

Il faut dire que la perte de crédit de la CGT, conséquence de la politique du PCF dans le cadre de la venue au pouvoir de la gauche, a facilité la tâche de la CFDT. Le rapport de force entre les deux confédérations a progressivement évolué en faveur de la CFDT. Pour rappel, la CGT, qui comptait plus de deux millions d’adhérents en 1981, n’en compta plus que 600 000 seulement trois ans plus tard.

En 1988, Edmond Maire pouvait se retirer en ayant le sentiment du devoir accompli. Il pouvait laisser la place à de nouveaux dirigeants, les Caspar, Notat, Chérèque et Berger aujourd’hui, qui purent chacun à leur tour assumer la politique de collaboration ouverte et sans fard que la direction de la CFDT mène depuis des années.

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