22-23 août 1927 : Sacco et Vanzetti étaient exécutés23/08/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/08/2560.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 90 ans

22-23 août 1927 : Sacco et Vanzetti étaient exécutés

Dans la nuit du 22 au 23 août 1927, les anarchistes américains Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti étaient exécutés sur la chaise électrique dans une prison de Boston, aux États-Unis. C’était l’aboutissement d’une longue bataille judiciaire et politique, qui remontait à leur arrestation en 1920.

Quand les États-Unis sont entrés en guerre en 1917, cette intervention fut contestée. En particulier, le Parti socialiste, les anarchistes et les militants des Industrial Workers of the World (IWW), un syndicat révolutionnaire, menèrent campagne contre la conscription : « Capitalistes d’Amérique, écrivaient les IWW, nous combattrons contre vous, pas pour vous ! Il n’est pas une puissance au monde qui peut faire combattre la classe ouvrière, si elle le refuse ! » Des dizaines de militants furent arrêtés pour avoir encouragé à la désertion. À l’occasion de grands procès, ils étaient condamnés à de longues peines de prison.

À la fin de la guerre, le pays fut traversé par une vague de grèves et de protestations. Une vaste répression fut menée sous la houlette du procureur général Alexander Palmer, avec de nombreux raids et arrestations, dits Palmer Raids. En 1919, 249 Russes ont été expulsés vers leur pays. En janvier 1920, 4 000 personnes furent arrêtées, détenues pour de longues périodes, et expulsées. Le Congrès restreignait drastiquement l’immigration, jusqu’alors relativement libre dans ce pays qui s’est largement bâti grâce à elle. Les Italiens, les Juifs et les Asiatiques furent visés en particulier. Le Ku Klux Klan a alors connu une nouvelle jeunesse et déployé une vaste activité, assassinant les Noirs et les militants syndicaux et rassemblant jusqu’à 4,5 millions de membres en 1924. « L’Amérique aux Américains », disait en substance le Klan.

C’est dans ce contexte qu’au printemps 1920 un typographe anarchiste, Andrea Salsedo, fut arrêté à New-York, interrogé dans un bâtiment du FBI et retrouvé mort sur le trottoir après être tombé du 14e étage, chute que le FBI qualifia de… suicide. Deux amis de Salsedo, Sacco et Vanzetti, également militants anarchistes, dans la région de Boston, furent arrêtés le 5 mai 1920 et accusés d’un hold-up et du meurtre d’un caissier et d’un garde. Nicola Sacco, né en 1891, et Bartolomeo Vanzetti, né en 1888, étaient des immigrants arrivés en 1908, parmi les deux millions d’Italiens qui parvinrent aux États-Unis au cours de la première décennie du siècle. Respectivement « bon cordonnier » et « piètre vendeur de poissons », comme le disait Vanzetti, ils niaient les meurtres.

Lors du procès, l’accusation a fait défiler des témoins menacés. À l’issue de leur procès, en juillet 1921, ils furent condamnés à mort. Sur le fond, ils étaient coupables d’être anarchistes et étrangers, dans une période de contestation sociale à laquelle la bourgeoisie américaine voulait mettre fin. S’ensuivirent une série d’appels, tous vains. Neuf personnes ont témoigné du fait que Sacco était dans une autre ville à l’heure du crime, et six autres que Vanzetti vendait alors du poisson ailleurs. « Cet homme, dit le juge Thayer, bien qu’il n’ait peut-être pas commis le crime qui lui est attribué, est néanmoins coupable moralement, parce qu’il est l’ennemi de nos institutions. » Et le système judiciaire américain confirmait la condamnation des deux hommes.

D’abord confidentielle, la mobilisation pour Sacco et Vanzetti prit de l’ampleur. Leur condamnation devint le symbole de l’injustice. Dans le contexte de recul du mouvement ouvrier du milieu des années 1920, l’Internationale communiste, qui était en train de devenir stalinienne, s’en est emparée. Souvent en concurrence avec les protestations des anarchistes, elle a organisé dans de nombreux pays une campagne pour les deux hommes.

Une campagne mondiale

En 1926 et 1927, les manifestations se sont multipliées, en particulier aux États-Unis, au Canada, en Europe, mais aussi en Afrique du Sud, en Amérique du Sud, au Japon et jusqu’en Australie. La mobilisation a atteint un pic en août 1927. À Copenhague, des milliers de manifestants affrontaient la police. À Genève, au moins 5 000 personnes attaquaient le siège de la Société des nations, renversant des voitures américaines et détruisant les locaux d’American Express.

Il n’empêche : dans la nuit du 22 au 23 août 1927, Sacco et Vanzetti furent exécutés. Dans un dernier message à son fils Dante, Sacco écrivit : « Alors, mon fils, au lieu de pleurer, sois fort, de façon à être capable de défendre ta mère… Emmène-la pour une longue marche dans la campagne paisible, pour ramasser des fleurs sauvages ici et là… Mais souviens-toi toujours, Dante, au jeu du bonheur, n’en fais pas un usage personnel seulement… aide les persécutés et les victimes parce que ce sont tes meilleurs amis… Dans la lutte de la vie, tu trouveras plus ; aime, et tu seras aimé. »

En 1977, Sacco et Vanzetti ont été réhabilités à la demande du gouverneur du Massachussetts. Mais cela faisait déjà un demi-siècle qu’ils étaient jugés innocents par le mouvement ouvrier conscient, qui avait mené une campagne pour ces deux militants, victimes de l’État américain et de sa justice de classe. Une justice qui, de l’exécution des communistes Ethel et Julian Rosenberg en 1953 à l’incarcération du militant noir Mumia Abu-Jamal depuis 1981, n’en avait pas fini avec les manipulations.

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