Turquie : l’état d’urgence, un outil contre les travailleurs16/08/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/08/2559.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : l’état d’urgence, un outil contre les travailleurs

L’article suivant est traduit du journal du mois d’août de nos camarades de Sinif Mücadelesi (Turquie – UCI)

Lors de la dernière réunion du Müsiad, la confédération patronale de tendance islamiste, Erdogan s’est vanté de se servir de l’état d’exception, décrété après la tentative de coup d’État il y a un an, pour faire face aux menaces de grèves ouvrières. « Pourquoi vous plaignez-vous de l’état d’urgence, en quoi vous a-t-il gênés ? », leur a-t-il demandé, ajoutant : « Si quelqu’un a un problème, qu’il vienne me voir. »

C’est la même chose dans la question des indemnités de licenciement. Erdogan s’apprêtait à légiférer pour les supprimer, afin de tenir la promesse faite au patronat. Ce sont les grands patrons qui ont eu peur des réactions éventuelles. Quand ils ont dit que pour l’instant le mieux était de ne toucher à rien, l’affaire en est restée là.

Quand il s’agit de servir les patrons, rien n’arrête le président Erdogan. Il se sert des lois, de toutes ses prérogatives et des moyens de l’État pour s’opposer à la volonté de millions d’ouvriers d’obtenir des salaires et des conditions de vie corrects. Il agit dans l’intérêt des patrons et ne s’en cache pas. C’est une évidence. Erdogan depuis son palais se croit tout permis.

Dans le passé un autre président, Özal, s’était comporté de la même façon. Mais les mineurs de Zonguldak l’avaient chassé du pouvoir, eux qui s’étaient mobilisés en criant : « Le gros de Çankaya (le palais présidentiel d’alors), ennemi des travailleurs ! » Özal, qui les craignait, avait mobilisé l’armée contre leur grève.

Cette dernière année, trois grèves ont été interdites par le pouvoir de l’AKP, le parti d’Erdogan, et au total il en a interdit douze depuis qu’il gouverne. Au total, 26 lois d’exception ont été adoptées, soit deux par mois, dans le cadre de l’application de l’état d’urgence. Selon un juriste, ces mesures ont abouti à la modification de 258 articles de loi, allant du domaine du sport à celui de l’aviation civile.

La dernière loi d’exception de l’AKP concernant les entreprises commence à entrer en application. L’article visant la sécurité du travail dans les entreprises où les risques sont élevés a été de nouveau suspendu jusqu’à la fin 2019. Et justement, selon les rapports des inspecteurs de travail, de nombreuses amendes pour non-respect de la sécurité ont été distribuées, depuis la grosse société gazière Tüpras jusqu’aux plus petites entreprises. Erdogan, qui a concentré tous les pouvoirs entre ses mains, est, comme il le dit lui-même, au service des patrons. Le sort des millions d’ouvriers et de leurs familles ne l’intéresse pas. S’il est en conflit avec les « Fetö », les partisans de son rival Fethullah Gülen, qu’il accuse de vouloir « s’accaparer l’État », c’est d’abord parce qu’il ne veut pas que qui que ce soit d’autre que lui et son entourage le fasse.

Erdogan prétend que tout ce qu’il dit, tout ce qu’il veut, tout ce qu’il fait aujourd’hui est conforme à la loi, et que tous ceux qui s’y opposent sont nuisibles et suspects de terrorisme. Les travailleurs des grandes entreprises, qui bien que syndiqués ne peuvent plus défendre leurs salaires et leurs droits par leurs grèves et leurs luttes, ne sont pas les seuls à en subir les conséquences. La situation des travailleurs des plus petites entreprises devient encore pire.

Les patrons agissent d’une façon organisée, ils essayent de réduire au maximum les augmentations des salaires et de limiter le plus possible les droits des travailleurs. Pour cela ils ont leur gouvernement, leur État, leur police, les tribunaux et l’ordre établi entièrement à leur service. Les patrons se sentent forts mais en réalité ils ont tort, car cette société ne peut tenir debout et fonctionner que grâce au travail quotidien des millions de travailleurs.

Le 15 juillet 2016, des dizaines de milliers de personnes s’étaient mobilisées pour riposter à la tentative de coup d’État d’une partie de l’armée. Le gouvernement d’Erdogan fait l’éloge des masses quand elles le défendent au risque de leur vie mais, quand les travailleurs défendent leurs salaires et leurs droits, alors rien ne va plus. Voilà la réalité du pouvoir d’Erdogan et de l’ordre qu’il impose.

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