Compte pénibilité : disparu avant d’avoir vécu19/07/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/07/2555.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Compte pénibilité : disparu avant d’avoir vécu

Le gouvernement Macron a annoncé qu’il allait revenir sur le compte personnel de prévention de la pénibilité, sans l’éliminer complétement. Celui-ci deviendrait le compte prévention.

Pendant sa campagne, Macron avait déclaré qu’il supprimerait le mot pénibilité, « car il induit que le travail est une douleur ». Nier la réalité des douleurs, en particulier physiques, d’un grand nombre de salariés est sûrement caractéristique d’un politicien comme Macron qui ne voit le monde qu’au travers du prisme des gens qui « réussissent ». Ce que bien des salariés ressentent est confirmé par les services de l’État qui déplorent que, malgré les progrès techniques, la pénibilité ne semble pas diminuer selon leurs termes. Mais Macron s’attaque à une réforme qui n’a quasiment pas été appliquée. 26 000 entreprises ont ouvert 530 000 comptes pénibilité en 2015.

Le compte pénibilité a été adopté en 2014 pour faire accepter l’allongement de la durée de cotisation jusqu’à 43 annuités, pour les salariés nés après 1973, prévu par la réforme des retraites du gouvernement Hollande. Il avait satisfait en particulier la CFDT qui devait pouvoir justifier quelques résultats vis-à-vis de ses syndiqués. Mais le compte pénibilité avait provoqué une fronde parmi les patrons parce qu’il signifiait qu’ils auraient à financer les départs anticipés à la retraite et d’autre part parce qu’il s’agissait d’une véritable usine à gaz. Effectivement, au lieu de considérer que certaines professions devaient y avoir droit, les patrons devaient ouvrir un compte pour chaque salarié et mesurer l’exposition de chacun sur dix types de facteurs. Ainsi pour obtenir des points, il fallait avoir fait au moins 120 nuits par an de travail de nuit, 900 heures de postures pénibles par an ou de températures extrêmes…Par cette demi-mesure typique, le gouvernement faisait mine de se préoccuper de la pénibilité tout en la rendant inapplicable en pratique.

D’après la loi, un des objectifs était de renforcer la prévention. Les patrons ne s’en préoccupent que contraints et forcés. En 2001, ils ont eu l’obligation d’élaborer un document faisant état des risques professionnels. Mais en 2013, seulement 46 % des entreprises avaient établi ce document, ce qui ne signifie même pas que la pénibilité ait diminué.

En 2010, les patrons ont dû en principe prévenir la pénibilité, et les salariés justifiant d’une incapacité physique ont pu partir à 60 ans au lieu de 62 ans. Mais aujourd’hui, en annonçant la simplification du compte pénibilité, le gouvernement de Macron rend encore plus difficile l’obtention d’une retraite anticipée. Non seulement seuls quatre critères sur dix seront pris en compte mais il faudra que le salarié soit atteint d’une pathologie reconnue entraînant une incapacité de travail de plus de 10 %. Cela écarte, par exemple, une grande partie des salariés soumis à des produits cancérigènes.

Le gouvernement de gauche avait établi des règles très complexes pour faire aux syndicats quelques concessions sans permettre à de trop nombreux salariés de prendre leur retraite anticipée. Macron débarrasse les patrons de la lourdeur administrative en réduisant encore le nombre des salariés qui seront concernés alors que l’allongement de la durée de cotisation est bien sûr toujours d’actualité. La CFDT, elle, s’en satisfait toujours car le compte pénibilité n’a pas disparu. C’est sans doute cela le charme du dialogue social !

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