Leur société

Code du travail : l’offensive que le gouvernement prépare

La publication par le journal Le Parisien du 5 juin d’un document interne, établi par les services de Macron, s’intitulant « Avant-projet de loi pour l’habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance », consacré aux modifications voulues du droit du travail, a mis au jour les intentions radicales du nouveau président envers le monde du travail.

l’offensive que le gouvernement prépare

Ces dix pages en disent plus long que tous les contre-feux que le gouvernement a tenté de mettre sur pied depuis ces révélations. En outre, dans l’enregistrement de la conversation entre Macron et son ministre Le Drian, rendue publique le 26 mai, on entend Macron relater ses rencontres avec les syndicats concernant ses intentions : « Bon, ce matin j’ai fait les premières concertations. Elles se sont bien passées ! » Et d’ajouter : « Oui ! C’est normal, parce que je ne leur ai rien dit. » L’enregistrement s’arrête là car Le Drian s’exclame alors : « Fais gaffe au micro, là. »

Ainsi, en direct, le président de la République avoue qu’il ment et cache ses véritables intentions. Cela incite à prendre plus au sérieux le document interne, dit de travail, que les textes de communication que la ministre vient d’adresser aux dirigeants des centrales syndicales.

La première ordonnance concernerait le contrat de travail signé par le salarié et l’employeur au moment de l’embauche. Ce contrat de travail détermine les conditions d’emploi, de salaire et tout ce qui fera la vie du salarié au sein de l’entreprise. Un contrat individuel pourrait se substituer à toutes les règles collectives existantes. En particulier, il définirait quand l’employeur pourrait y mettre fin, et à quelles conditions, sans que le salarié puisse ensuite le contester, puisqu’il l’aurait signé et serait donc supposé en avoir accepté toutes les conditions.

Ainsi, finis les règlements, les obligations légales et conventionnelles, c’est l’employeur qui serait maître de les définir. De même, ce serait l’employeur qui établirait le contenu des règles de sécurité au travail. Cela entraînerait évidemment une dégradation majeure des conditions de travail et une exposition accrue des salariés aux risques.

Quant à la présence syndicale dans les entreprises, le projet prévoit de la réduire en fusionnant les différentes instances. Cela ferait disparaître en grande partie les militants qui sont au plus près des travailleurs dans les ateliers, les entrepôts et les bureaux. Pour alimenter son « dialogue social » le projet prévoit que les appareils seraient subventionnés par les patrons, par la mise sur pied d’un chèque syndical. En cas d’absence de syndicats complaisants, les nouvelles règles pourraient être adoptées par la voie du référendum à l’initiative de l’employeur, une situation dans laquelle le chantage et les pressions de toutes sortes seraient la règle.

Dans la mise au point du gouvernement publiée mardi 6 juin, comme l’a souligné Les Échos, « les mots qui fâchent ont été bannis ». La ministre a envoyé aux dirigeants des centrales syndicales un texte intitulé Programme de travail pour rénover notre modèle social. Sur les intentions réelles du gouvernement, il ne contient rien. Par contre, pour occuper les appareils bureaucratiques des syndicats, c’est le trop-plein. Pas moins de 48 réunions ont déjà été annoncées, la première dès vendredi 9 juin. Connaissant son monde, le gouvernement offre aux directions syndicales ce qui leur plaît le plus : des réunions où l’on fait comme si leur avis comptait.

L’avant-projet avait précisé : « Il est important dans le texte de loi d’habilitation (des ordonnances) de ne pas être trop précis, pour ne pas courir le risque de contraintes insurmontables au stade de la rédaction des ordonnances. » La consigne a donc été respectée.

Il est bien difficile de dire aujourd’hui ce qu’il en sera finalement. Mais il est certain que l’issue ne dépendra pas des négociations autour du tapis vert entre le patronat, l’État et des dirigeants syndicaux qui sont tout sauf des généraux prêts au combat contre la coalition patronat-gouvernement. Elle dépendra des réactions du monde du travail, et celui-ci a ses forces intactes pour riposter comme il se doit.

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