Le congrès panrusse des soviets31/05/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/05/2548.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Russie 1917 : la révolution au fil des semaines

Le congrès panrusse des soviets

Le 3 juin (16 juin selon le calendrier actuel), trois mois après la révolution de Février, s’ouvrait à Petrograd le premier congrès des soviets de toute la Russie, rassemblant un millier de délégués représentant environ 20 millions d’ouvriers, de soldats ou de paysans. Avec 105 délégués, les bolcheviks étaient très minoritaires dans ce congrès, qui reflétait les écarts de maturation politique entre les différentes régions et la capitale. Devant ce congrès, Lénine explique qu’il y a une lutte à mort entre le gouvernement provisoire, qui s’appuie sur le vieil appareil d’État, et les soviets. Ceux-ci doivent prendre eux-mêmes tout le pouvoir, s’appuyer sur les initiatives des ouvriers pour contrôler et organiser la production, lutter contre le sabotage économique, etc.

« De deux choses l’une : ou bien un gouvernement bourgeois ordinaire, et alors les soviets paysans, ouvriers, soldats et autres sont inutiles ; ils seront dissous par les généraux, les généraux contre-révolutionnaires qui ont l’armée en main et ne prêtent aucune attention aux déclamations du ministre Kérenski, ou bien ils périront d’une mort sans gloire. Il n’est pas d’autre voie pour ces institutions qui ne peuvent ni rétrograder ni piétiner sur place, et ne sauraient exister qu’en allant de l’avant. C’est un type d’État qui n’a pas été inventé par les Russes, mais engendré par la révolution, car autrement celle-ci ne saurait vaincre.

Les frictions, la lutte des partis pour le pouvoir sont inévitables au sein du soviet de Russie. Mais il s’agira là de l’élimination des erreurs possibles et des illusions par l’expérience politique des masses elles-mêmes et non par les rapports de ministres qui invoquent ce qu’ils ont dit hier, écriront demain et promettront après-demain. (…)

Les soviets ne peuvent continuer d’exister comme ils existent actuellement. Des personnes adultes, ouvriers et paysans, doivent se réunir, adopter des résolutions et entendre des rapports qui ne peuvent faire l’objet d’aucune vérification avec pièces à l’appui ! Des institutions de ce genre marquent la transition vers une république qui créera, non en paroles, mais en fait, un pouvoir ferme, sans police ni armée permanente, un pouvoir qui ne peut encore exister en Europe occidentale, un pouvoir sans lequel la révolution russe ne saurait vaincre, c’est-à-dire triompher des grands propriétaires fonciers, triompher de l’impérialisme. Sans ce pouvoir, il ne peut être pour nous question de vaincre. (…)

Un mois s’est écoulé depuis que, le 6 mai, a été formé le gouvernement de coalition. Voyez ce qui se passe, voyez la débâcle économique que connaissent la Russie et tous les pays entraînés dans la guerre impérialiste. Comment s’explique cette débâcle ? Par la rapacité des capitalistes. (…) Les prix industriels des fournitures de charbon ont été relevés par le gouvernement “révolutionnaire” ! Et le gouvernement de coalition n’a rien changé à cet égard. (...)

En ce qui concerne la crise économique, notre programme exige tout de suite – il n’est besoin ici d’aucun délai – la publication de tous les bénéfices exorbitants, atteignant jusqu’à 500 et 800 %, que les capitalistes empochent non pas en tant que capitalistes sur le marché libre, dans un capitalisme “à l’état pur”, mais grâce aux fournitures de guerre.

Voilà où le contrôle ouvrier est réellement indispensable et possible. Voilà une mesure que vous devez prendre au nom du soviet, puisque vous vous dites démocratie “révolutionnaire”, et qui peut être appliquée du jour au lendemain. (…) Rendez publics les profits de messieurs les capitalistes, faites arrêter 50 ou 100 des plus gros millionnaires. Il suffirait de les garder quelques semaines, fût-ce dans des conditions aussi privilégiées que celles qui sont faites à Nicolas Romanov, simplement pour les contraindre à révéler le dessous des cartes, les combinaisons frauduleuses, les malpropretés, la course au profit qui, sous le nouveau gouvernement aussi, coûtent tous les jours des milliers et des millions à notre pays.

Voilà la principale cause de l’anarchie et de la débâcle économique, voilà pourquoi nous disons : chez nous tout est resté comme devant ; le ministère de coalition n’a rien changé, il n’a fait qu’ajouter un peu de déclamations et de pompeuses déclarations. Aussi sincères que soient les hommes, quelle que soit la sincérité avec laquelle ils désirent le bien des travailleurs, la situation n’a pas changé ; la même classe est restée au pouvoir. »

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