Dans le monde

Brésil : des millions de travailleurs en grève

Selon les syndicats, 35 millions de travailleurs ont fait grève au Brésil le 28 avril, soit près d’un tiers des salariés. Cette grève nationale était la première depuis plus de vingt ans.

Dans tout le pays, les transports, les hôpitaux et les écoles étaient paralysés, de nombreuses usines du privé étaient arrêtées et des manifestations parcouraient les rues. Sao Paulo, la capitale économique du pays, a été déserte la moitié de la journée, avec les autoroutes d’accès bloquées, les métros, les trains et bus à l’arrêt. Rio semblait un champ de bataille, avec des barricades, des vitrines de banques fracassées, parcouru de violentes charges de police dans la fumée des pneus et des bus incendiés.

Le gouvernement de droite, relayé par la presse et les patrons, a protesté contre les violences et tenté de nier le succès de la grève, dont 96 % des gens se disaient solidaires. La droite a prétendu parler au nom de ceux qui se lèvent tôt. Le président Temer, dont la cote de popularité est tombée en dessous de 10 %, a prétendu qu’il luttait contre la récession tout en garantissant les droits des salariés. Mais tous les travailleurs voient bien que ces politiciens corrompus, dont beaucoup sont déjà mis en examen, attaquent leurs conditions de travail et leurs retraites.

La Chambre des députés a en effet voté le 27 avril, en première lecture, une réforme du droit du travail. Elle fera passer les accords négociés par branche ou par entreprise avant le Code du travail et la loi. Dans le cadre d’une semaine de 48 heures, le patron pourrait imposer des journées de 12 heures. Le gouvernement veut aussi faire passer une réforme des retraites préparée par l’équipe précédente, dite de gauche. Les hommes partiraient à 65 ans au lieu de 60 aujourd’hui, et les femmes à 62 ans au lieu de 55.

Ces réformes passent mal, alors que le chômage frappe 14 millions de travailleurs (soit 13,7 %), que les salaires des fonctionnaires sont payés avec retard dans un certain nombre d’États et que l’inflation est repartie à la hausse, grignotant les salaires. Après des années de sursis, la crise économique frappe maintenant le Brésil, dont le déficit budgétaire se creuse : 3,5 milliards de dollars en mars.

Si le mécontentement ouvrier a pu s’exprimer ainsi, c’est que la gauche et les syndicats se retrouvent maintenant contre le gouvernement. La gauche a perdu ses ministères et ses places dans la haute administration quand Dilma Rousseff a été chassée de la présidence il y a un an. Quant aux grandes confédérations syndicales, le gouvernement menace leur monopole de la négociation avec les patrons, pour la ramener au niveau régional ou de l’entreprise. Il veut aussi supprimer l’impôt syndical consistant en une journée de salaire versée par tous les travailleurs, perçue par l’État et redistribuée aux centrales. Elles ne veulent pas perdre ces sommes qui leur permettent de faire fonctionner leurs appareils en toute indépendance des travailleurs, sans avoir besoin de militants ni de cotisations.

Les travailleurs organisés des transports, de l’automobile, du pétrole, de la santé, de l’éducation, ont répondu présent à l’appel des syndicats. Comme suite, les syndicats prévoient d’occuper Brasilia, la capitale politique et administrative, sans doute entre le 15 et le 19 mai. Mais bien peu maintiendraient leur appel si Temer cédait, au moins partiellement, sur l’impôt syndical et sur le monopole de la négociation.

Les travailleurs brésiliens ont de toute façon à défendre ce qui les concerne directement, leurs emplois, leurs salaires, leurs retraites et l’avenir de toute la société et se préparer à le faire en se défiant des bureaucraties syndicales et politiques qui, en leur sein, se soucient d’abord de leurs intérêts de boutique.

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