Guyane : la grève générale se poursuit05/04/20172017Journal/medias/journalarticle/images/2017/04/p_16_dessin1.jpg.420x236_q85_box-0%2C192%2C2048%2C1344_crop_detail.jpg

Dans le monde

Guyane : la grève générale se poursuit

La détermination des collectifs semble même avoir redoublé de vigueur. Mardi 4 avril, des milliers de personnes venues de toutes les villes et communes ont défilé aux abords du site du CSG (centre spatial de Guyane), à Kourou. 28 cars ont aidé au transport de la population des différents coins du pays. Les membres de la délégation des peuples autochtones, les Amérindiens, nombreux et parmi les plus délaissés dans leurs villages en forêt, ont fièrement défilé sous les acclamations des autres manifestants.

Illustration - la grève générale se poursuit

C’était la première réponse cinglante au refus méprisant du Premier ministre Cazeneuve de donner satisfaction aux revendications des collectifs mobilisés. Il avait déclaré la veille leur revendication de 2,5 milliards d’euros « irréaliste », comme s’il s’adressait à des enfants. Il est resté sur la proposition de 1,08 milliard déjà faite par ses ministres Matthias Fekl et Ericka Bareigts, de retour de Guyane. Cette somme, à l’évidence, est largement insuffisante pour rattraper trente ans de retard en matière de santé, de justice, d’éducation, de construction de routes, d’électrification, insuffisante pour améliorer, voire reconstruire, les services publics en état de décomposition avancée.

Les collectifs ont bien revu leur copie en détail mais pour déterminer une somme supplémentaire de 2,112 milliards d’euros, portant leurs exigences à 3,19 milliards d’euros.

Une délégation du collectif est allée discuter en vain avec le directeur du CSG à Kourou. Mais les collectifs de la mobilisation estiment que, vu l’importance de la base spatiale, le directeur du CSG est à présent plus crédible pour faire pression sur l’État et sur l’Europe que le préfet, avec lequel ils ne veulent plus discuter.

Au début de la nuit, la plupart des manifestants étaient repartis, mais les élus, maires, député, président de la collectivité territoriale de Guyane et des membres des collectifs ont décidé d’occuper une salle du CSG et devaient y passer la nuit.

Les barrages routiers sont maintenus et la Guyane est paralysée : pas de commerces, pas de transports, pas d’école, pas de fusée. Le port est vide de ses travailleurs.

Ce mouvement social de Guyane s’affirme comme un mouvement général où toutes les catégories de la population ont des raisons de protester : petits et moyens patrons, transporteurs, autres socioprofessionnels, avocats, élus, étudiants professeurs, personnels de santé, éducateurs sociaux. Le mouvement s’affirme comme « guyanais », dans une sorte d’unité nationale où certains nationalistes guyanais, pour l’heure minoritaires, tentent de faire avancer l’idée d’un changement de statut politique allant vers une plus grande autonomie. Une telle autonomie avait été rejetée lors d’un référendum en 2010. Y a-t-il aujourd’hui une nouvelle donne à l’aune de ce mouvement ? L’avenir le dira.

Mais dans ce vaste mouvement social composite, il y a une Guyane plus exploitée, plus pauvre encore que les autres, celle des travailleurs des entreprises, des chômeurs, du petit peuple pauvre des quartiers. Pour l’instant, on ne voit pas apparaître la défense spécifique des intérêts de classe de cette catégorie qui souffre le plus.

L’UTG, l’Union des travailleurs guyanais, le syndicat le plus important, d’obédience régionaliste et nationaliste, ne mène pas cette politique-là. Il est bien plus axé sur la « défense de la Guyane » en général.

Dans cette lutte unitaire, chaque catégorie sociale tente bien sûr de jouer sa propre partition et d’en tirer profit, le petit et le moyen patronat également. Le Medef est d’ailleurs toujours actif. Les politiciens et notables locaux surfent sur la vague pour protéger leurs postes, mandats et avantages.

Il revient donc aux travailleurs et aux pauvres, sur qui repose la grève générale et tout l’édifice de la protestation, de profiter de ce mouvement de colère générale pour faire apparaître leur propre force et leurs propres revendications, aujourd’hui reléguées à l’arrière-plan. Ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour trouver la meilleure voie possible pour se faire entendre.

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