Leur société

Amiante : les empoisonneurs toujours impunis

Mardi 4 avril, les veuves et veufs et victimes de l’amiante de Dunkerque ont à nouveau marché autour du palais de justice de la ville, comme ils l’ont fait à vingt-deux reprises, depuis 2004. Ils exigent une fois de plus qu’un procès pénal se tienne en France contre les responsables de ce scandale, les industriels et promoteurs de l’amiante, leurs soutiens au sein de l’appareil d’État, mais aussi tous les industriels qui ont utilisé ce poison, eux aussi en toute connaissance de cause.

La dangerosité de l’amiante était connue depuis les années 1890, mais les industriels du secteur, Eternit et d’autres, n’ont pas hésité à utiliser ce produit, présenté comme un produit miracle, en dissimulant sa dangerosité auprès de leurs ouvriers, de leurs familles et des riverains des usines comme auprès des utilisateurs. L’amiante tue chaque année trois mille personnes et devrait continuer à tuer jusqu’en 2050. On parle de 100 000, voire 150 000 morts.

Les industriels de l’amiante ont bénéficié de l’appui actif des pouvoirs publics jusqu’en 1997, date bien tardive de l’interdiction de sa fabrication et de son usage : un appui, une protection que l’État continue à apporter sous d’autres formes.

Ainsi, à titre d’exemple, la cour d’appel de Versailles vient de réitérer le non-lieu pour le dernier PDG de l’usine d’amiante Amisol, à Clermont-Ferrand. Elle était surnommée l’usine-mouroir, car l’air des ateliers était saturé de fibres d’amiante : selon l’inspection du travail, une hécatombe. La plainte a été déposée il y a vingt ans et elle est rejetée pour la troisième fois. Les victimes vont devoir une fois de plus se pourvoir en cassation.

La cour a invoqué ici la prescription des faits. Pourtant, une cour belge vient à l’inverse de repousser cet argument et de condamner Eternit, en argumentant que la prescription ne peut être prise en compte tant que les victimes n’avaient pas conscience du danger.

Et, dans ce sens, les témoignages sont partout accablants. Les ouvriers rentraient chez eux couverts de poussière d’amiante, sans avoir conscience que cette poussière était en train de les tuer. Leurs compagnes, leurs enfants les aidaient à s’en débarrasser et se contaminaient à leur tour.

Ce crime industriel continue aujourd’hui encore depuis le Canada ou le Brésil, où des industriels, y compris avec la participation d’entreprises françaises, contribuent à amianter le monde entier. On retrouve là les mêmes responsables : des capitalistes en quête de profits, des lobbys comparables à ce qu’était ici le Comité permanent amiante, composé d’hommes d’État et de scientifiques jurant de la non-nocivité de l’amiante, soutenus par l’État avec, en tête, le directeur de l’Institut national de la sécurité censé veiller, en théorie, à la sécurité des salariés au travail.

La fabrication et l’usage de l’amiante sont désormais interdits ici. Il reste un scandale qui n’en finit pas : alors que les victimes de l’amiante doivent mener une bataille tenace pour obtenir justice, les industriels, les lobbyistes du Comité permanent amiante et leurs complices au sein de l’État ne sont toujours pas poursuivis.

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