Dans le monde

Allemagne : Schulz, du neuf avec du vieux

En Allemagne, avec l’élection de Martin Schulz à sa tête le 19 mars, le SPD (Parti social-démocrate) aura-t-il quelque chance de prendre la place d’Angela Merkel à la tête du pays ? Jusque-là il ne s’était jamais remis électoralement des lois Hartz mises en place à partir de 2003 par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder.

Cet ensemble de lois a permis que la précarité se répande en Allemagne comme une épidémie, avec l’arrivée massive du travail intérimaire, des temps partiels imposés, des mini-jobs à quelques centaines d’euros par mois – et au bout du compte beaucoup de retraites misérables.

La dernière des lois, Hartz IV, réduisant la durée des allocations chômage à 12 mois seulement, a fait basculer une partie de la classe ouvrière dans la pauvreté. Ironie de l’histoire, Martin Schulz, qui sera donc le candidat du SPD pour les élections législatives de septembre 2017, critique aujourd’hui les injustices créées par les lois Hartz de Schröder, tandis que la chancelière Angela Merkel du parti de droite CDU en vante les succès, expliquant qu’il faut au contraire poursuivre dans la même voie.

Schulz, qui a fait l’essentiel de sa carrière au Parlement européen, dont il a même été le président de 2012 à 2017, se présente comme un homme du peuple, le candidat « des chauffeurs de bus, des infirmiers, serveurs et policiers » au parler vrai, et ne manque pas une occasion de rappeler avec fierté qu’il n’a pas le baccalauréat : il se fait ainsi passer pour un homme neuf en politique, qui ne serait pas du sérail.

Schulz se présente, dit-il, pour « mener une politique qui rende la vie de ceux qui travaillent dur un petit peu meilleure », et répète qu’il va « corriger » les lois Hartz. Ce langage lui assure pour l’instant un certain succès.

Mais que peut-il y avoir à corriger dans les lois Hartz, cette machine de guerre qui a tant fait reculer la condition des travailleurs ? Là-dessus, les ambitions sont plutôt floues et de toute façon modestes. Au départ, il a promis de prolonger la durée des allocations chômage des travailleurs âgés. Mais c’était déjà trop. Le voilà qui explique à présent que le problème est leur manque de qualification ! Et les seuls travailleurs âgés qui toucheraient un peu plus longtemps le chômage seraient ceux qui suivraient une formation. Pour une formation de six mois, au lieu de trois mois supplémentaires d’allocations, ces chômeurs âgés y auraient donc droit pendant... six mois. Quelle avancée !

Surtout, cela revient à montrer du doigt non pas les responsables du chômage, ces groupes qui suppriment des emplois et licencient, mais les travailleurs licenciés eux-mêmes. Quel mépris vis-à-vis de travailleurs âgés que d’exiger d’eux, après une vie de labeur, de se lancer à 57 ou 58 ans dans une nouvelle qualification, sachant combien à cet âge et dans la situation économique actuelle, on a peu de probabilités de retrouver un travail !

Les médias se sont émus du fait que le 19 mars, Schulz a été élu président du SPD par près de 100 % des quelque 600 délégués de son parti, « un score historique ». Ce n’est en fait pas si étonnant. Jusqu’à il y a quelques semaines, la chancellerie paraissait totalement inaccessible à son parti, résigné à un quatrième mandat de Merkel. Mais soudainement, son irruption sur le devant de la scène et la remontée des sondages incarnent pour eux l’espoir de pouvoir l’emporter.

Dans son discours d’investiture, Schulz s’est contenté de répéter un nombre incalculable de fois le mot « respect » : respect pour les jeunes, les vieux, les femmes, les migrants... Les travailleurs ne doivent pas s’y tromper : si ces paroles peuvent être moins désagréables à entendre que celles de candidats réactionnaires, le respect devrait commencer par des emplois et des salaires corrects. De ce point de vue il n’y a rien là qui serait de nature à rendre leur vie même seulement « un petit peu meilleure », pour reprendre l’expression de Schulz. Avec la crise et sans riposte de la classe ouvrière, le patronat poursuivra son offensive. Se laisser bercer par les discours de Schulz et marcher dans ces illusions ne pourrait que préparer de nouveaux lendemains difficiles.

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