Wildenstein : des milliardaires au-dessus des lois18/01/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/01/2529.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Wildenstein : des milliardaires au-dessus des lois

Guy Wildenstein, héritier d’une lignée de richissimes marchands d’art, et ses co-inculpés, viennent de bénéficier d’une relaxe générale alors qu’ils étaient accusés de « fraude fiscale et de blanchiment en bande organisée ».

Pourtant, la procureure avait requis contre le principal accusé quatre ans d’emprisonnement et 250 millions d’amende, en qualifiant les faits de « fraude fiscale la plus sophistiquée et la plus longue de la Ve République », en dénonçant des « procédés, des montages conçus par des professionnels avertis, à destination d’une famille qui a vécu dans l’opulence en payant peu d’impôts, ce que les citoyens du monde ne supportent plus ».

Par ailleurs, le fisc réclame son dû, soit 500 millions d’euros d’impôts… après négociation avec les Wildenstein.

Les juges ont parlé de « patrimoine dissimulé sur plusieurs générations avec une claire intention d’évasion patrimoniale ». Mais prétextant que le tribunal ne pouvait conclure en l’absence de preuves directes, ils ont relaxé les Wildenstein.

Ce n’est pas la première fois que cette pauvre famille fait la une des gazettes. Le père, Daniel Wildenstein, était un très très riche marchand de tableaux, comme l’était d’ailleurs le grand-père. Il était appelé « l’homme aux 10 000 tableaux » possédant, entre autres, 20 tableaux de Renoir, 25 Courbet, 10 Cézanne, 10 Gauguin, 2 Botticelli, 8 Rembrandt, 8 Rubens, et 180 Bonnard. Sa fortune était évaluée entre 5 à 10 milliards d’euros. En 1998, il avait été contraint de signer un accord financier avec l’ex-femme de son fils qui menaçait de révéler ses accointances commerciales avec les nazis pendant l’Occupation.

Quand le père est mort en 2001, ses deux fils, Guy et Alec, ont essayé d’écarter leur belle-mère de la succession. Lui ayant fait croire que son mari était mort ruiné, ils lui ont fait signer une renonciation à l’héritage. Mais celle-ci s’est rebiffée, a porté plainte, les accusant entre autres de dissimulation de biens. La cour de cassation avait donné raison aux fils contre la belle-mère, en jugeant en 2009 que « l’évasion du patrimoine dans des sociétés étrangères et des trusts était conforme à la tradition familiale de transmission des biens aux héritiers directs ».

Malgré ces déballages et ce Dallas à la française, le gouvernement, l’administration fiscale et la justice se sont d’abord empressés… de ne rien faire. Que Guy Wildenstein soit proche de Nicolas Sarkozy et membre fondateur de l’UMP, que son ami Eric Woerth ait été ministre du budget, cela avait sans doute quelque rapport avec la myopie de l’administration fiscale. Mais la ténacité de la belle-mère a fini par déclencher, par ricochet, une enquête et après quinze ans, fisc et justice ont dû s’intéresser aux petits secrets de la famille.

Lors de sa mise en examen, les juges ont reproché à Guy Wildenstein de cacher « les propriétés immobilières du Kenya, des îles Vierges britanniques, du 740 Madison Avenue et du East Street à New York, les parts de la Wildenstein & Co, diverses galeries d’art, le tout logé dans des trusts ». Précisons que la propriété au Kenya est un ranch de 30 000 hectares, avec 200 bâtiments, 50 lacs artificiels, un zoo et un hôpital privé, et la propriété des Îles Vierges, une île entière acquise en 1981, pour que le yacht familial puisse y accoster. On peut y ajouter une résidence en Suisse, une écurie de courses à Chantilly, un château dans l’Essonne…

L’essentiel de la fortune de la famille était logée dans des « trusts », ces entités financières discrètes domiciliées dans des paradis fiscaux et destinées à frauder le fisc. Pendant des dizaines d’années, cela n’a gêné ni le gouvernement, ni le fisc, ni la justice.

Depuis 2011, la loi a été modifiée, et ce genre de pratique serait « répréhensible ». Malgré cela, les Wildenstein n’ont pas été condamnés, ni même blâmés. Cela juge aussi... la justice.

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