L’île aux esclaves oubliés18/01/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/01/2529.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L’île aux esclaves oubliés

Tromelin, l’îlot sur lequel la France garde jalousement sa souveraineté, est un confetti d’empire dont l’histoire est chargée des horreurs de la colonisation. Cette page sombre remonte au milieu du 18e siècle, quand l’île de La Réunion et l’île Maurice avaient été colonisées par la France qui, grâce à l’esclavage, en avait fait des possessions sucrières profitables.

En 1761, un bateau négrier, chargé de 160 femmes, hommes et enfants malgaches, et se dirigeant vers l’île Maurice, alors française (l’Île de France), s’échoua sur les récifs de l’îlot inhabité. La majorité des esclaves, enfermés dans les cales, périrent noyés. Mais l’équipage français et une soixantaine d’esclaves parvinrent à gagner l’îlot et ils reconstruisirent un bateau plus petit avec les matériaux de l’épave. Le capitaine repartit avec l’équipage français, laissant les esclaves sur place en leur promettant de revenir les chercher. Mais il ne revint jamais.

Ce n’est qu’en 1776 que le chevalier de Tromelin se rendit sur l’îlot qui allait porter son nom. Seuls sept femmes et un enfant y avaient survécu, et ils furent emmenés sur l’Île de France. En 1781, l’histoire des naufragés de Tromelin fut citée par Condorcet pour dénoncer l’inhumanité de la traite négrière. Des fouilles archéologiques, menées de 2006 à 2016, ont documenté la façon dont ces esclaves « oubliés » avaient pu survivre, ou pas, sur cet îlot désolé d’un kilomètre carré, qui culmine à 7 mètres, battu par les alizés et par les cyclones.

La fortune d’un pays riche comme la France s’est bâtie avec les horreurs de l’esclavage « en suant le sang et la boue par tous les pores », comme l’écrivait Karl Marx. Même un îlot aussi petit que Tromelin n’en est pas indemne.

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