Continental – Sarreguemines : un patron à la manœuvre à l’aide de la loi El Khomri11/01/20172017Journal/medias/journalarticle/images/2017/01/p15_richeterroriste_lupo1.jpg.420x236_q85_box-0%2C137%2C578%2C463_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Continental – Sarreguemines : un patron à la manœuvre à l’aide de la loi El Khomri

La direction du groupe Continental a échoué, le 14 décembre, à obtenir le nombre suffisant de signatures de syndicats au bas de l’accord dit d’emploi que sa direction locale proposait. Il aurait touché tous les salariés travaillant sur le site, soit largement plus de 1 600, et remis gravement en cause leurs conditions de travail.

Illustration - un patron à la manœuvre à l’aide de la loi El Khomri

La principale nouveauté aurait consisté à donner de nouveaux noms à de vieilles ambitions. Baptisé « accord agilité », sans doute en référence à la gymnastique, et plus précisément à la souplesse d’échine nécessaire pour l’accepter, il reprenait aux salariés la plus grande partie de leurs congés, appliquant les nouveautés de la loi. Ainsi, pour adapter leur présence à ses seuls besoins, la direction se réservait d’arrêter l’usine deux, voire trois semaines ou plus, en fin d’année, dans ce qu’elle appelle les périodes creuses. Ces arrêts seraient pris sur tous les congés dont disposent les salariés, et d’abord les congés principaux. Trois semaines pouvant être réquisitionnées par la direction, il n’en resterait donc plus que deux aux salariés. Et l’accord introduisait même qu’un salarié n’ayant plus de congés disponibles au moment de ces arrêts de fabrication serait mis en congé sans solde, donc non payé. Ni la nouvelle loi travail ni la loi générale sur les salaires et les rémunérations des travailleurs payés au mois ne le permettent. Mais qu’à cela ne tienne, Continental se veut à la pointe de l’innovation et voudrait pouvoir introduire la suspension du contrat de travail et de la paye à sa guise.

Quant aux périodes pleines, Continental demandait déjà aux salariés de s’inscrire volontairement pour le travail des jours fériés du 14 juillet et du 15 août, en échange d’un petit billet de 50 qui pourrait peut-être monter à 100 euros. Mais le volontariat pour ces jours fériés et pour toutes les heures supplémentaires que pourrait demander la direction n’en était pas un. Car, faute de trouver 80 % de volontaires, il se transformerait en réquisition d’office, sous peine de licenciement. Et, pour ne rien oublier, Continental faisait inscrire dans l’accord, bien sûr en cas de besoin, la possibilité de n’accorder, comme la loi travail le permet, que 9 heures de coupure entre deux séances de travail et de porter le temps de travail journalier à 12 heures de travail effectif, c’est-à-dire sans les pauses.

Et, pour finir sur une note comique, la direction s’engageait à embaucher 30 personnes (sur un effectif de plus de 1 500), sous réserve bien entendu de bonne marche de l’entreprise et... dans trois ans.

Il s’agissait bien d’une attaque en règle contre les droits de tous les salariés travaillant sur le site, même ceux des entreprises sous-traitantes, même donc sans l’accord des syndicats de ces dernières, comme l’accord tenait à le préciser explicitement.

Évidemment, Continental comptait sur la soumission des syndicats de l’usine, qui lui avaient montré beaucoup de complaisance dans le passé. Mais l’année 2017 est celle des élections professionnelles et l’expérience du dernier accord, initié en 2009 et conclu en 2010, a montré que les travailleurs pouvaient réagir vivement, même contre les syndicats qui seraient prêts à se soumettre aux attentes de la direction. Ainsi, à l’automne 2009, les travailleurs de VSD déclenchèrent une grève sauvage entraînant toute l’usine, contre un accord qui lésait gravement les salariés ; une grève dirigée contre la direction, mais aussi contre les dirigeants syndicaux. L’accord fut donc suspendu, avant d’être finalement remis à la signature, dans une version allégée, quelques mois plus tard. Les travailleurs avaient alors fait payer aux syndicats signataires leur soumission, lors des élections suivantes.

En 2017, cette crainte des réactions des travailleurs, au-delà de toutes les manœuvres possibles, est la seule chose qui pourra modérer les appétits de Continental. Et ce qui se joue à Sarreguemines concerne au moins les plus de 5 000 travailleurs du groupe en France, et même au-delà.

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