Turquie : Erdogan, nostalgique de l’époque des sultans09/11/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/11/2519.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : Erdogan, nostalgique de l’époque des sultans

Vendredi 4 novembre, en Turquie, le gouvernement Erdogan a franchi un nouveau pas dans la répression en faisant arrêter les deux coprésidents du parti prokurde HDP, Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag. Au total, onze députés de ce parti ont été arrêtés, sur un total de 59 élus au Parlement. Après ces arrestations, le HDP a décidé de ne plus participer aux séances de l’Assemblée.

Quelques semaines auparavant, c’était la maire de la grande ville kurde de Diyarbakir et son adjoint qui étaient arrêtés, eux aussi membres du HDP et accusés de complicité avec la guérilla du PKK. Mais, le 31 octobre, c’est le journal Cumhuriyet qui était visé. Le rédacteur en chef de ce grand quotidien de centre-gauche ainsi que douze de ses collaborateurs, dont neuf journalistes, ont été arrêtés, accusés de double collaboration avec l’imam Fethullah Gülen et la guérilla kurde du PKK.

L’éventail des purges lancées après le coup d’État manqué du 15 juillet s’élargit donc sans cesse. Depuis cette date le pays est sous le coup d’un état d’urgence qui permet au gouvernement d’agir à coups de décrets. Résultat : actuellement plus de 37 000 personnes sont en garde à vue, ou bien déjà inculpées, et plus de 110 000 autres ont été mises à pied, dont un quart d’enseignants.

Plus de 13 000 policiers ont aussi été mis à pied, dont 2 523 gradés, accusés de sympathie pour la secte Gülen rendue responsable de la tentative de coup d’État du 15 juillet. Les purges sont quotidiennes, et dans la seule journée du 2 novembre, par exemple, 137 mandats d’arrêt ont été émis contre des universitaires et, le 3 novembre, 1 218 gendarmes suspects de proximité avec le mouvement Gülen ont été limogés. Mais les purges touchent maintenant tous les opposants, ceux de gauche, les militants syndicaux ou des droits de l’homme et de la cause kurde, comme le montre l’arrestation des dirigeants du HDP. Dans les discours d’Erdogan et du parti AKP au pouvoir, les partisans de Gülen et les militants kurdes sont invariablement flétris sous le terme général de « terroristes ».

« La Turquie a peur, peur de la guerre, d’une éventuelle guerre civile, d’être arrêté sans avoir rien fait », a écrit le quotidien Hürriyet. Le durcissement du pouvoir est évidemment en rapport avec ses projets sur le plan extérieur. Erdogan fait campagne sur la question des frontières de la Turquie moderne, telles que définies par les accords de Lausanne de 1923. Il accuse les dirigeants d’alors, y compris Mustafa Kemal, d’avoir cédé trop facilement les territoires de Mossoul et Kirkouk en Irak, des régions de Syrie ou des îles de la mer Égée aujourd’hui rattachées à la Grèce.

Erdogan veut-il seulement mettre la population en condition, ou bien faire sérieusement la guerre à ses voisins ? En tout cas les troupes turques sont déjà positionnées en Irak et en Syrie et Erdogan ne cache pas sa volonté d’être partie prenante dans les discussions sur le futur de Mossoul et de Raqqa, lorsque les djihadistes de l’État islamique en auront été chassés. Pour lui, il n’est pas non plus question de tolérer l’installation d’un Kurdistan autonome au nord de la Syrie, qui pourrait inspirer les Kurdes de Turquie. Il prend donc ses précautions en réduisant au silence ceux qui, à l’intérieur du pays, pourraient critiquer sa politique guerrière.

« On m’accuse d’être un dictateur, mais je n’écoute même pas. Cela rentre par une oreille et cela sort par l’autre. Nous avons les listes de ceux qui sont contre nous et nous allons faire le nécessaire », a déclaré Erdogan il y a quelques jours. Il a visiblement la nostalgie de l’Empire ottoman, de ses territoires et même de ses méthodes policières de gouvernement. Mais il n’est pas sûr qu’il ait les moyens d’en faire la base de sa politique.

Partager