Calais : le démantèlement de la Jungle ne résoudra rien26/10/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/10/2517.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Calais : le démantèlement de la Jungle ne résoudra rien

Quand le gouvernement a annoncé sa décision d’un démantèlement imminent du bidonville de Calais, les associations d’aide aux migrants ont fait appel en référé au tribunal de Lille pour suspendre ce projet. Mais le tribunal a donné raison au gouvernement, alors que la destruction du bidonville ne résoudra évidemment pas la question des migrants, mais conduira inévitablement à la reconstitution de bidonvilles encore plus précaires.

Le président de l’Auberge des migrants, Christian Salomé, l’affirme : « Il y aura une chasse à l’homme, c’est évident. On sait qu’il y a environ 1 000 places qui ont été libérées en centre de rétention partout en France. Les gens vont être emmenés dans ces centres un peu partout, gardés 48 heures puis libérés. Et ensuite ? Ils vont revenir ici, c’est tout. Et on reviendra simplement à ce qu’on a connu il y a cinq, dix ou vingt ans. C’est-à-dire des gens qu’on retrouve sous les ponts, dans les jardins. »

Effectivement, le gouvernement cherche seulement à faire disparaître les migrants jusqu’aux élections, en les dispersant sur le territoire quand ils l’acceptent, et sinon en les obligeant à l’avenir à se cacher, à se terrer dans le froid, la pluie, et le dénuement le plus complet, dans d’autres abris de fortune encore plus sordides.

L’opération de démantèlement, c’est non seulement la destruction des cabanes et des tentes, mais c’est aussi la fermeture des structures que l’État avait fini par mettre en place, sous la pression des associations et de la partie de l’opinion publique qui trouve ignoble qu’on laisse des êtres humains dans des conditions aussi indignes. Ce sera le cas du centre Jules-Ferry donnant accès à certains services comme les repas, les douches, l’électricité, la permanence médicale ou les informations juridiques, et du camp semi-fermé, composé de containers, servant d’hébergement et de vie sociale, ouvert il n’y a même pas un an.

Désormais, il est donc interdit aux migrants de rester à Calais. Plus de 2 000 d’entre eux ont déjà fui en octobre pour éviter leur expulsion du camp. Les 8 000 restants sont censés être évacués sur une durée de trois jours à une semaine, pour être acheminés vers des CAO (Centres d’accueil et d’orientation), 480 bâtiments vides ayant été répertoriés dans tout le pays à cet effet par l’État, pour s’ajouter aux centres déjà existants.

L’opération supervisée par la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, a commencé lundi 24 octobre au matin. Outre la mobilisation de 1 250 policiers et gendarmes, en plus des 2 100 agents déjà présents, toute une logistique a été mise en place : pour démolir et disperser, l’État n’a aucun mal à trouver les moyens. Les migrants « volontaires », convaincus de quitter Calais, se présentent dans un hangar de la zone industrielle voisine du camp où ils sont triés, répartis en quatre files : les hommes seuls majeurs, les familles, les personnes dites vulnérables (femmes ou malades), et les mineurs isolés. Puis ils doivent choisir une des deux régions proposées, attendent ensuite dans des tentes de 50 places, avant d’être embarqués dans des bus qui les acheminent jusqu’à leur destination. Le lundi 24 octobre au soir, 2 318 migrants avaient quitté Calais.

Le mensonge éhonté du gouvernement, ressassé à longueur de discours par les politiciens du PS, est que ce démantèlement vise à « offrir aux migrants une mise à l’abri digne et adaptée, un moment de répit pour réfléchir à la suite de leur parcours migratoire », où ils pourront formuler une demande d’asile. En réalité, comme cela s’est produit lors des précédentes évacuations, ils vont se retrouver isolés dans la campagne, avec des démarches encore plus difficiles à faire pour leurs papiers. Et puis, preuve que le gouvernement se moque totalement du droit d’asile, une partie des habitants de la « jungle » sont déjà demandeurs d’asile en France, et d’autres ont déjà le statut de réfugié mais, s’ils habitaient là, c’est faute de savoir où aller.

Une partie des migrants, épuisés par les conditions de vie et par le blocage quasi total de la frontière, acceptent de partir vers les CAO, où ils espèrent connaître un moment de répit. Mais, pour ceux qui partent comme pour ceux qui resteront, la politique de Hollande envers les migrants est bien la même que celle de Sarkozy quand il a fait fermer Sangatte, tout juste enrobée de discours humanitaires.

Le gouvernement voudrait sans doute faire du démantèlement une démonstration de ses préoccupations humanitaires, quitte dans un second temps à employer les méthodes utilisées lors de la destruction de la zone sud du bidonville il y a six mois : des violences policières dont la brutalité est encore dans les mémoires. C’est probablement pourquoi il n’avait pas délivré d’accréditations à des observateurs qui pouvaient lui sembler trop critiques, comme Emmaüs France, Human Rights Watch ou Avocats sans frontières.

Mais voilà, aujourd’hui, des centaines de journalistes de France et du monde entier sont présents. Tous ne sont pas aux ordres, et l’opinion publique pourra être avertie de la réalité de cette opération gouvernementale.

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