Dans le monde

Ouragan Matthew à Haïti : la population face à l’incurie de l’État

Nous publions de larges extraits de l’éditorial du 12 octobre de la Voix des travailleurs, le journal de nos camarades haïtiens de l’Organisation des travailleurs révolutionnaires.

Plusieurs milliers de maisons détruites avec tout ce qui s’y trouvait, des dizaines de milliers de personnes sans abri, sans secours, trois départements complètement dévastés plus le Nord-Ouest partiellement, la faune et la flore ravagées dans leur quasi-totalité, comme si des bombes atomiques avaient été lâchées sur ces territoires. Le bilan du passage de l’ouragan Matthew s’alourdit de jour en jour.

Les vies fauchées ? Les organisations non-étatiques parlent d’un millier et le gouvernement de 400 environ. Mais cela fait plusieurs décennies que les vivants ne sont pas comptés en Haïti, qu’il n’y a pas de recensement de la population, pour quelle raison l’État se soucierait-il aujourd’hui de compter les morts, des paysans pauvres qui plus est ?

Que la nature détruise lorsqu’elle entre en furie, les hommes le savent depuis toujours. Mais qu’un gouvernement (...) ne soit pas en mesure de mobiliser les ressources humaines qualifiées, financières, matérielles pour mettre en œuvre un plan en vue de voler au secours des populations en danger, c’est le résultat de la faillite de l’organisation sociale en place ! C’est bien le visage du capitalisme dans les pays pauvres comme Haïti.

Que faire pour éviter que l’après-ouragan ne plonge ces régions, voire le pays tout entier dans l’horreur ? Que faire pour éviter les épidémies qui s’ensuivront, comme le choléra dont les victimes au sein d’une seule localité comme Rendel, dans la commune de Charbonnières, se chiffrent déjà à 150 ? Même l’infirmière du coin qui assurait les soins avec les moyens du bord en est morte !

L’État ne fait rien pour organiser la vie, la sécurité de la population, pour ne pas la laisser jour après jour s’enfoncer dans le dénuement, la déchéance, victime d’une petite minorité de profiteurs égoïstes qui dictent leur loi à l’État haïtien. (…) Ces patrons de la zone industrielle, par exemple, qui ont contraint les ouvriers à venir travailler la veille du passage de l’ouragan, le jour même et le lendemain et qui n’ont pris aucune disposition pour ces milliers de travailleurs, originaires des régions sévèrement affectées, alarmés de ne pas avoir des nouvelles des leurs et incapables de faire le déplacement faute d’argent et d’autorisation de la direction.

En attendant, les populations victimes, les travailleurs sans emploi par la force des choses, les sinistrés en tout genre, ont tout intérêt à compter sur leurs propres initiatives pour sortir de la situation chaotique où ils se trouvent. Même pour bénéficier des aides diverses qui arrivent, ils ont intérêt à se donner les moyens, l’organisation, pour en contrôler l’acheminement et la distribution. Sinon, tout cela sera encore détourné par les petits et grands margoulins qui chercheront à en tirer du profit, au détriment de la santé et de la vie de la population. (...)

Pour conjurer l’aggravation de cette catastrophe sociale, des mesures d’urgence s’imposent :

. Accorder la gratuité des appels téléphoniques aux habitants des zones sinistrées

. Accorder une allocation et un congé spécial aux travailleurs et employés originaires des zones touchées avec des victimes parmi leurs proches

. Mettre sur pied un fonds d’urgence pour accueillir l’aide financière en faveur des victimes

. Mettre en place des abris provisoires décents pour les familles sans domicile

. Réquisitionner tous les dépôts de produits alimentaires dans le pays (privés et publics) en vue de voler au secours des familles sinistrées

. Mettre les véhicules de cantine mobile en service pour servir des plats chauds aux familles

. Rendre disponibles l’eau potable et les kits hygiéniques et sanitaires pour lutter contre les épidémies comme le choléra

. Élire des comités au niveau des départements, des communes et des sections communales en vue de gérer l’aide de concert avec les autorités locales sous le contrôle de la population.

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