Mélenchon : un « insoumis » pas bien dangereux pour la bourgeoisie19/10/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/10/2516.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Mélenchon : un « insoumis » pas bien dangereux pour la bourgeoisie

Jean-Luc Mélenchon a réuni le week-end dernier ses partisans, dans ce qu’il a appelé la « convention de la France insoumise ». Au travers d’une mise en scène aussi spectaculaire que coûteuse – son directeur de campagne parle d’un coût de 150 000 euros – inspirée des pratiques électorales américaines, Mélenchon a sorti de son chapeau dix mesures choisies par une commission dont les membres ont été tirés au sort pour participer à son rassemblement.

Tout cela est destiné à donner l’impression que les axes de sa campagne présidentielle émanent sinon du peuple, du moins du choix de ses partisans. Cela peut en séduire certains. Mais c’est un spectacle, rien que du spectacle.

Parmi les mesures choisies, certaines relèvent du bon sens, d’un souci d’introduire des règles de fonctionnement un peu plus démocratiques dans la vie politique, comme la possibilité pour les électeurs de révoquer un élu. D’autres sont techniques comme celle demandant la séparation des banques d’affaires des banques de dépôt, mesure qui figurait d’ailleurs parmi les promesses de Hollande en 2012. Mais toutes s’inscrivent dans les mécanismes du fonctionnement de l’économie capitaliste, sans en remettre en cause ni la logique, ni la légitimité. D’ailleurs Mélenchon ne se cache pas d’être un réformiste.

Parmi ces mesures on retrouve, sans surprise, les propositions aux relents nationalistes coutumières de ce champion de la France, moins insoumise qu’il le proclame. Comme, par exemple, l’opposition aux traités de libre-échange avec les États-Unis (Tafta) ou le Canada (Ceta), ou comme la remise en cause des traités européens et la possible sortie de l’Union européenne. Ce serait, dit-il, au nom de la défense de « nos » intérêts, ceux de la France, ou, pour dire les choses plus nettement, ceux des capitalistes français. De tels discours, qui opposent les travailleurs d’autres pays à ceux qui travaillent en France, s’inscrivent dans une démagogie extrêmement dangereuse pour les travailleurs et leurs combats.

Aucune de ces mesures, déclarées ou non prioritaires par la « France insoumise », ne sont très radicales. Certaines, comme la revendication d’un smic mensuel de 1 300 euros net, sont même en retrait par rapport à ce qui était réclamé dans le programme l’Humain d’abord que défendaient le Parti de gauche et le PCF en 2012.

Mais là n’est pas le vrai problème. Mélenchon et les siens prétendent s’en remettre au seul suffrage universel et ils prétendent que, s’ils ont à eux seuls la majorité, ils pourront s’appuyer sur les lois votées au Parlement. C’est de la poudre aux yeux. Le pouvoir réel n’est pas dans le suffrage mais dans les rapports sociaux. C’est ce que montrent toutes les expériences du passé. Comment, par exemple, limiter de un à vingt le rapport des salaires dans l’entreprise, sans se préparer à affronter le pouvoir des actionnaires et des conseils d’administration ?

Le programme de Mélenchon ne dit à aucun moment que, pour imposer le moindre recul au patronat, il faudra de toute façon créer un rapport de force. Le pouvoir dont la bourgeoisie dispose est dû au fait qu’elle règne sur l’économie, soutenue par un puissant appareil administratif, policier, militaire. Si l’on omet de dire cela, et d’en prévenir à l’avance les travailleurs et les classes populaires, présenter n’importe quel catalogue revendicatif, aussi séduisant soit-il, n’est au mieux qu’un couteau sans lame. Disons plutôt un piège à électeurs.

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