Pénibilité : le compte n’y est pas06/07/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/07/2501.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pénibilité : le compte n’y est pas

La création du compte personnel de prévention de la pénibilité a été présentée par le gouvernement comme une mesure majeure de la réforme des retraites adoptée en janvier 2014.

Entre autres, la durée de cotisation pour avoir droit à une pension complète, était allongée, passant de 41 ans et demi à 43 ans. C’est pour faire accepter ce recul manifeste que le compte de pénibilité a été mis en place.

Ce compte est censé permettre à certains de partir à la retraite un peu plus tôt, le gouvernement prétendant ainsi « renforcer la justice du système des retraites ». Mais, si les mesures contre les retraités et futurs retraités ont bien été appliquées sans délai, le patronat est toujours vent debout contre le compte de pénibilité. Il avait déjà obtenu qu’au 1er janvier 2015 seuls quatre critères, le travail de nuit, en équipes, en hyperbare, ou le travail répétitif, soient pris en compte pour mesurer la pénibilité. Les six autres critères – postures pénibles, manutention de charges, agents chimiques dangereux, vibrations mécaniques, températures extrêmes et bruit – devaient ne s’appliquer qu’au 1er juillet de cette année. Mais le patronat réclame un nouveau report. Gattaz, le patron des patrons, a déclaré que, les critères étant inapplicables, « nous ne les appliquerons pas ».

Le patronat prétend que les mesures de ces différents critères tels qu’ils sont définis par le gouvernement sont difficiles, sinon impossibles à réaliser. Pourtant, si le gouvernement a voulu définir des seuils précis d’exposition à chacun de ces critères, c’est pour permettre au patronat de mesurer le plus chichement possible les nouveaux droits à accorder aux salariés, et pour lui permettre de s’exonérer le plus possible de cette minicotisation supplémentaire de 0,1 % à 0,2 % du salaire de chaque salarié exposé.

Par exemple, le travail répétitif ne peut être pris en compte que si le salarié en a effectué 900 heures et si le niveau d’intensité est de 15 actions techniques par 30 secondes ou moins, ou 30 actions techniques par minute. Pour chaque critère, il y a ainsi des conditions et des seuils qui nécessitent des mesures précises pour chaque salarié. Évidemment, il serait bien plus simple et plus juste de considérer que tous les ouvriers sur chaîne sont soumis à un travail répétitif leur donnant droit à une compensation et obligeant le patron à cotiser. Mais cela coûterait beaucoup plus cher au patronat.

De même, point n’est besoin de savants calculs pour savoir que les ouvriers du bâtiment sont exposés à des travaux pénibles. Mais, là encore, le gouvernement a fait preuve de sollicitude vis-vis des patrons du bâtiment, et surtout les ­Bouygues et consorts, en coupant les cheveux en quatre.

Comme d’habitude, les patrons n’en sont pas reconnaissants pour autant et prennent prétexte de ces complications pour refuser de se plier à cette nouvelle loi.

On peut parier que la réponse du gouvernement ne sera pas de leur faire admettre que c’est l’ensemble de leurs ouvriers qui sont astreints à un travail pénible, tout au long de l’année. D’ailleurs le gouvernement lui-même ne trouve pas indécent d’augmenter leur durée de cotisation, alors même que leur espérance de vie est inférieure de plusieurs années à celle des salariés qui n’ont pas un travail aussi pénible.

En fait de justice, il faudrait commencer par revenir aux 37,5 années de cotisation pour une retraite pleine à 60 ans, plutôt que de faire semblant d’accorder de nouveaux droits aux travailleurs alors qu’on démolit les anciens.

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