Editorial

Pour le retrait de la loi travail, le combat continue

« Minoritaires irresponsables », « chienlit », « terrorisme social » pour Le Figaro, « voyous » pour Gattaz… Le gouvernement, la droite et la grande majorité des médias n’ont pas lésiné pour fustiger les actions de blocage et les grèves dans les raffineries. Leur but était d’isoler du reste de la population ceux qui continuent de se battre contre la loi El Khomri. Ils ont échoué.

Comme l’a démontré la journée de mobilisation de jeudi 26 mai, il y a eu, en effet, plus de monde dans la rue, plus de grèves et plus de débrayages dans les entreprises. Quant à la population, elle reste majoritairement solidaire des grévistes, même quand elle doit faire la queue pour avoir de l’essence ou devant un blocage.

Hollande et Valls disent ne vouloir rien lâcher ? Eh bien, les opposants non plus ne lâcheront rien ! Cela fait près de trois mois qu’ils se battent. Certains en sont à leur huitième manifestation. D’autres en sont à dix ou quinze jours de grève. Ils n’ont plus à prouver leur détermination.

Cette semaine, avec les appels à la grève reconductible à la SNCF et à la RATP et avec les journées prévues dans les ports et docks et dans l’aérien, le camp de la contestation va s’élargir.

Le gouvernement parle d’objectifs catégoriels comme si leurs luttes n’avaient pas de rapport avec la loi El Khomri. Mais l’allongement de l’amplitude de travail et la réduction de leur temps de pause dénoncés, par exemple, par les cheminots, sont inspirés par le même esprit que la loi : utiliser le chantage à la compétitivité pour imposer des reculs des conditions de travail et de salaire.

Alors, la lutte dans les transports et la lutte contre la loi El Khomri ne doivent faire qu’un, et le succès de l’une aidera au succès de l’autre.

Quant à tous ceux qui agissent, même de façon minoritaire, ils ont raison de se battre et d’aller jusqu’au bout de ce qui leur est possible de faire, parce que tant qu’il y a du monde dans la rue et en grève, tout est possible.

La pression sur le gouvernement est de plus en plus grande, et il cherche une porte de sortie. Des tractations avec les confédérations syndicales sont d’ailleurs prévues dans la semaine. Pour que ces dernières ne signent pas des accords dans le dos des manifestants et pour qu’elles s’en tiennent au retrait pur et simple de ce projet de loi propatronal, il faut rester mobilisés.

Oui, tous ceux qui se battent ont de quoi être fiers. Ils ne sont peut-être qu’une fraction du monde du travail, mais ils représentent les intérêts de tous. Et à l’inverse du gouvernement, ils peuvent se prévaloir du soutien de la majorité de la population et, même, de la quasi-unanimité du monde du travail.

Ce soutien doit continuer de s’exprimer de toutes les façons possibles. En affichant sa solidarité en toute occasion et en se joignant aux débrayages et aux manifestations qui se présentent.

Mardi 14 juin aura lieu, à Paris, une manifestation nationale appelée par toutes les confédérations syndicales opposées au projet de loi. Cette journée marquera une étape importante.

Elle doit se préparer dans les ateliers, les bureaux et les entreprises de sorte que le maximum de salariés rajoutent leur poids dans l’épreuve de force qui se joue contre le gouvernement et le patronat.

L’enjeu dépasse le seul avenir de la loi El Khomri. Car au-delà de cette bataille précise, il est nécessaire que les travailleurs reconstruisent ensemble une force capable d’organiser la défense de leurs intérêts contre le patronat.

Il y a, dans toutes les entreprises, des mini-lois El Khomri imposées au quotidien. En changeant le rapport de force avec le patronat, la mobilisation actuelle ne peut que renforcer les travailleurs qui, dans leur entreprise, veulent réagir et riposter collectivement.

La mobilisation actuelle et surtout les grèves, avec leurs conséquences sur la machine à profits et la vie économique, montrent la force détenue par les travailleurs.

Les CRS peuvent en effet déloger quelques centaines de manifestants qui bloquent une raffinerie ou une voie de chemin de fer. Mais ils ne peuvent pas remplacer les salariés de ces raffineries en grève, ni s’improviser conducteurs de trains, aiguilleurs ou pilotes d’avions.

Ils ne peuvent pas, non plus, remplacer les ouvriers sur les chaînes de montage, les employés, les techniciens ou les ingénieurs, qui sont tous des maillons indispensables pour faire tourner les entreprises.

Alors oui, les travailleurs représentent une force. Ils ne sont pas voués à subir les lois du patronat et des gouvernements à son service !

Éditorial des bulletins d’entreprise du 30 mai 2016

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