Grande-Bretagne : salaire minimum, une hausse en trompe-l’œil20/04/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/04/2490.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : salaire minimum, une hausse en trompe-l’œil

Ça aurait pu être un poisson d’avril, mais ça n’en était pas un. Comme annoncé par le gouvernement Cameron, le salaire minimum a bien été augmenté de près de 11 % à compter du 1er avril. Mais si ce n’est pas un poisson d’avril, c’est quand même une couleuvre pour les travailleurs.

C’est qu’en fait il ne s’agit pas vraiment d’une augmentation du salaire minimum, mais plutôt de la création d’un cinquième taux, plus élevé, qui vient s’ajouter aux quatre taux actuels du salaire minimum. Sauf que, et c’est la première escroquerie, ce nouveau taux, fixé à 9,20 euros/h, ne s’appliquera qu’aux travailleurs de 25 ans et plus. Les autres devront se contenter des anciens taux, qui sont inchangés et surtout inférieurs, s’échelonnant entre 4,20 euros/h pour les apprentis de tous âges et 8,30 euros/h pour les travailleurs entre 21 et 24 ans.

Pour masquer ce tour de passe-passe, Cameron a voulu avoir l’air d’innover, en présentant ce nouveau taux comme un nouveau salaire de référence (pas minimum celui-là !) auquel il a même donné un nom : celui de National Living Wage (NLW), ce qui pourrait se traduire par « salaire national permettant de vivre ».

Là se situe la deuxième escroquerie. Car avec un tel salaire horaire, même avec un emploi à temps plein, il faudra un bon paquet d’heures supplémentaires pour arriver à payer les factures, surtout celles, exorbitantes, du loyer et de l’électricité dans les grandes villes. D’autant que les bénéficiaires de ce NLW vont bientôt s’apercevoir qu’il leur donne le douteux privilège de payer des impôts sur le revenu, ce qui n’avait jamais été le cas des travailleurs au salaire minimum jusqu’à présent !

Enfin, la troisième escroquerie est d’avoir présenté cette mesure comme destinée à aider les travailleurs pauvres. Les moins de 25 ans risquent fort de se faire montrer la porte par leur employeur dès qu’ils approcheront de l’âge fatidique. Les 25 ans et plus qui ont déjà un emploi fixe n’y gagneront rien parce qu’avec un peu d’ancienneté ou une petite qualification, leur salaire dépasse ce niveau. Ceux qui n’en ont pas devront continuer à galérer, peut-être même encore plus car ils seront encore plus en compétition avec les travailleurs plus jeunes. Et tout cela, pour trouver essentiellement des contrats zéro heure (sans garantie de nombre d’heures payées) ou des missions d’« auto-entrepreneur ». Dans le premier cas, le fait d’avoir un taux horaire un peu plus élevé ne changera rien au fait que les heures effectuées seront insuffisantes pour avoir de quoi vivre. Et dans le second cas, les travailleurs ne seront couverts par aucune réglementation salariale, ce qui explique que plus d’un tiers des 4,9 millions d’auto-entrepreneurs soient des travailleurs pauvres.

Tout en jetant des cris d’orfraie, le patronat s’est déjà largement préparé à cette nouvelle situation. Ce n’est pas pour rien si, dans la période précédant l’introduction du NLW, la proportion des missions d’auto-entrepreneurs dans ce que les statistiques appellent les « créations d’emplois », a plus que doublé pour atteindre 26 % !

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