La loi travail : encore moins d’obstacles pour licencier06/04/20162016Journal/medias/journalarticle/images/2016/04/p03_Manif_31_mars_cortege_CGT_C_LO.jpg.420x236_q85_box-0%2C135%2C2592%2C1593_crop_detail.jpg

Leur société

La loi travail : encore moins d’obstacles pour licencier

L’examen de la loi travail a commencé à l’Assemblée nationale le 5 avril, avec le débat sur la définition du licenciement économique. Il s’agit d’un débat surréaliste, qui laisse entendre que les patrons et les chefs d’entreprise seraient aujourd’hui bridés dans leur liberté de licencier et, par suite, n’oseraient pas embaucher. Du coup, la ministre El Khomri se dit favorable à faciliter davantage les choses pour les PME, les petites et moyennes entreprises.

Illustration - encore moins d’obstacles pour licencier

Selon la nouvelle loi, dans le cas d’une entreprise voire d’un établissement dépendant d’un groupe, dont le chiffre d’affaires ou les commandes baisseraient pendant quatre trimestres consécutifs, les juges ne pourraient plus remettre en cause le motif économique du licenciement. Le gouvernement voudrait ramener ce délai à deux trimestres pour les PME.

En fait, dans leur immense majorité, les PME sont détenues ou sous le contrôle de grands groupes. D’autre part, il est d’une extrême facilité pour toutes les entreprises d’une certaine taille d’allouer des commandes ou pas à leurs usines, filiales ou sous-traitantes, et de faire varier de façon totalement artificielle les commandes et le chiffre d’affaires. Sur deux trimestres, c’est à la portée de toutes. Et donc plus aucun tribunal, s’il en était saisi, ne pourrait remettre en cause la nature économique du licenciement qu’un salarié voudrait contester.

Ce qui est en jeu n’est même pas la liberté pour un patron ou un chef d’entreprise quelconque de licencier à sa guise, avec ou sans motif. C’est simplement ce qu’un tribunal pourrait décider, parfois des années après qu’un salarié jeté à la rue aurait eu le courage de le saisir.

En France, un patron peut licencier, sans autre forme de procès, un de ses salariés. C’est ensuite au salarié de tenter, s’il en a les moyens, de faire valoir ses droits. Sauf exceptions rarissimes, il ne pourra jamais obtenir l’annulation du licenciement, mais il obtiendra au mieux une petite indemnisation. La seule exception est celle des représentants du personnel, qui ne peuvent être licenciés sans l’autorisation préalable de l’administration du travail.

Il y aurait en France entre 750 000 et un million de ruptures du contrat de travail par an. Près de la moitié sont les fins de contrats temporaires, intérim, CDD, etc. Il y a plus de 300 000 ruptures conventionnelles, pour lesquelles le salarié accepte « librement » son licenciement, souvent en échange d’une petite compensation et sans possibilité de le contester par la suite. Ensuite viennent les licenciements pour motifs personnels, et enfin les licenciements pour motifs économiques qui, selon les sources, représentent de l’ordre de 10 % du total.

La loi El Khomri, dans ce domaine comme dans les autres, est une réponse directe aux demandes du patronat. Non content de pouvoir licencier, celui-ci veut ne rien à avoir à payer. Il voudrait donc que la loi limite d’avance tout ce qu’un tribunal pourrait accorder aux salariés par la suite. Il a d’ailleurs obtenu de telles limitations, par exemple à partir de 2013 sous le gouvernement Ayrault. On a d’abord retiré aux Prud’hommes la possibilité d’examiner la validité des plans sociaux, puis on a interdit aux tribunaux administratifs de prononcer la réintégration des salariés, comme cela pouvait se faire auparavant, ou même d’allouer des indemnisations aux salariés spoliés de leurs droits.

Aujourd’hui, le gouvernement continue d’envoyer le même message aux patrons : « Vous pouvez licencier sans entraves, alors ne vous gênez pas », tout en parlant de favoriser l’embauche !

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