Dans le monde

Syrie : la population sous les bombes

Vendredi 12 février, les diplomates américains et russes annonçaient un accord prévoyant l’arrêt des combats en Syrie entre milices pro et anti-Assad, dans un délai d’une semaine. À peine les caméras étaient-elles rangées que les combats s’intensifiaient.

Le Groupe de soutien international à la Syrie, au nom duquel Russes et Américains ont fait leur annonce, rassemble la quinzaine de puissances régionales et mondiales ayant des intérêts dans le conflit syrien. Toutes jurent qu’elles luttent contre Daech, mais toutes cherchent d’abord à défendre leurs propres intérêts dans la région, soutenant telle ou telle clique militaire pouvant servir leurs visées.

Derrière l’alliance contre Daech...

La Russie soutient le régime d’Assad, avec lequel elle entretient des liens de longue date, ainsi que les milices kurdes du PYD (Parti de l’union démocratique) qui, dans le nord la Syrie, ont réussi à repousser Daech. L’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie soutiennent l’opposition à Assad, derrière laquelle se trouvent en réalité des milices tout aussi islamistes que Daech, comme le groupe Ahrar al-Cham et le Front al-Nosra, lié à al-Qaida. Et, bien plus que Daech, le régime turc combat le PYD, allié syrien du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), sa véritable bête noire. L’Iran joue également son propre jeu.

Au-dessus de cette mêlée, les États-Unis et les puissances européennes à leur traîne, après avoir largement attisé le chaos syrien, voudraient bien réussir à stabiliser la situation. Or, malgré toutes leurs déclarations officielles dénonçant l’intervention militaire de la Russie en Syrie, c’est de son côté et du côté du régime d’Assad et de ses alliés qu’ils cherchent une solution, sous la forme d’un pouvoir stable. Cette option froisse la Turquie et l’Arabie saoudite, alliés traditionnels des puissances occidentales, qui auraient aimé voir s’installer en Syrie un pouvoir qui leur soit lié. Et, si elles ne s’opposent pas directement aux États-Unis, elles ne renoncent pas pour autant à jouer leur propre jeu.

Toutes ces rivalités s’exacerbent aujourd’hui autour de la bataille d’Alep, au nord de la Syrie. Encore aux mains des opposants à Assad, cette ville est en passe d’être reprise par le régime, grâce aux bombardements russes et grâce aux milices kurdes du PYD. Pour tenter de s’y opposer, la Turquie a permis à des combattants islamistes d’Ahrar al-Cham et d’al-Nosra, venus d’une région plus à l’ouest de Syrie, de transiter par son territoire pour aller renforcer les islamistes de la région d’Alep. Et puis, depuis samedi 13 février, la Turquie est intervenue directement dans le conflit en bombardant les milices kurdes, pour les empêcher de prendre le contrôle de la frontière et de faire obstacle au mouvement des milices islamistes.

L’éclatement des rivalités

La tension est donc montée d’un cran entre les puissances russe, turque et saoudienne. En novembre 2015, un bombardier russe avait déjà été abattu par des avions de chasse turcs. Aujourd’hui, chaque camp montre un peu plus ses muscles. La Russie a organisé des manœuvres militaires en mer Noire, mer Caspienne et dans le sud de la Fédération de Russie, menaçant implicitement la Turquie. Celle-ci, soutenue par son allié saoudien, a déclaré en réponse qu’elle envisageait de plus en plus une opération terrestre en Syrie. L’Arabie saoudite a d’ailleurs envoyé des avions de chasse se positionner sur une base dans le sud de la Turquie en vue de futures opérations.

Obama et d’autres responsables occidentaux jouent les pacifistes et ont officiellement demandé l’arrêt de tous les bombardements. Outre leur hypocrisie, eux qui passent leur temps à œuvrer en coulisse pour retenir les uns et laisser faire les autres, ces déclarations sont aussi le signe que la situation leur échappe de plus en plus.

La population syrienne, qui vivait déjà un calvaire, voit sa situation encore empirer. Après la terreur des djihadistes, les ravages des affrontements entre milices, elle doit désormais subir les bombardements russes, turcs et autres. Lundi 15 février, les bombardements russes ont détruit un hôpital qui soignait des femmes et des enfants, car les hôpitaux sont devenus des cibles de guerre. Selon des médecins syriens soutenus par Médecins sans frontières, leur destruction vise à faire fuir les populations, qui se regroupent souvent autour des hôpitaux.

Ensuite, ce sont les mêmes populations, fuyant leur pays pour survivre, que les dirigeants européens bloquent aux frontières, dans la boue et le froid.

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