États-Unis, quarante ans dans les oubliettes de l’État : liberté pour Leonard Peltier !10/02/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/02/2480.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis, quarante ans dans les oubliettes de l’État : liberté pour Leonard Peltier !

Depuis quarante ans et son arrestation le 6 février 1976, Leonard Peltier, militant amérindien de la tribu sioux Lakota, membre du Mouvement des Indiens américains (AIM), est emprisonné. En 1977, il a été condamné à une double peine de prison à perpétuité pour deux crimes qu’il dit ne pas avoir commis. Pour Amnesty International, c’est un prisonnier politique qui « devrait être libéré immédiatement et sans condition ».

Le 25 juin 1975, deux agents du FBI, Coler et Williams, suivent la voiture d’un délinquant. Cette filature les conduit au cœur de la réserve indienne de Pine Ridge, à Oglala. Leur irruption dans cette réserve, une des plus peuplées et des plus misérables, déclenche une fusillade. Les deux agents sont abattus.

En représailles, le FBI mobilise des centaines d’agents pour retrouver les coupables. Dans cette réserve, une poignée de militants du Mouvement des Indiens américains (AIM), qui défend les droits et la dignité des Indiens d’Amérique, se sont installés pour tenter d’apporter des solutions aux problèmes qui submergent les réserves indiennes, pauvreté, alcoolisme, maladies, désespoir, des problèmes très marqués à Pine Ridge. C’est vers eux que le FBI oriente les recherches.

L’AIM est alors connue du public depuis 1972, peu après la réélection du président Nixon, lorsque ses militants ont envahi le bureau des affaires indiennes à Washington. En 1973, ils ont récidivé à Wounded Knee, où deux ou trois cents Indiens, hommes femmes et enfants, ont été massacrés par l’armée américaine en décembre 1890. L’occupation du site de Wounded Knee a duré 71 jours malgré l’intervention de la police, du FBI et même de véhicules blindés. Inspirés par la lutte des Noirs qui dure depuis une vingtaine d’années, une fraction des Indiens s’est radicalisée et exige ses droits.

Depuis lors, comme il l’a fait pour l’aile radicale du mouvement noir, l’État américain cherche à anéantir ce mouvement en frappant ses militants. Des centaines de ses membres sont poursuivis. Près de deux cents se retrouvent devant les tribunaux. Dans les réserves, les autorités américaines s’appuient sur une mafia indienne qui prospère grâce à l’argent de l’État fédéral qui lui permet de s’enrichir mais aussi d’armer des gros bras qui s’attaquent à ceux qui sont tentés de suivre l’AIM. Ainsi à Pine Ridge règne Dick Wilson, qui s’est vanté à la télévision de régler leur compte aux militants de l’AIM. Des dizaines d’Indiens sont ainsi assassinés par ces nervis, d’autres blessés ou estropiés. Cette milice s’en prend aussi aux femmes, aux enfants et aux vieillards. C’est dans ce contexte d’affrontements au sein des réserves indiennes que se produit l’incident d’Oglala.

Le FBI a désigné trois coupables, Dino Butler, Bob Robideau et Leonard Peltier, trois membres de l’AIM. Peltier réussit à passer au Canada mais les deux autres sont arrêtés et jugés. Mais le dossier d’accusation ne convainc pas les jurés et les deux hommes sont acquittés au nom de la légitime défense.

Cet échec inattendu est un choc pour le FBI, qui ficelle un dossier sur mesure à base de faux témoignages et de preuves matérielles douteuses contre Peltier. Ils obtiennent de cette façon son extradition du Canada et il est promptement jugé et condamné. Malgré leur propre contre-enquête, qui détruit une partie de l’accusation, et bien qu’ils n’aient jamais eu accès à la totalité du dossier du FBI contre Peltier, ses défenseurs ne peuvent obtenir qu’il soit rejugé et libéré.

Des personnalités ont tenté d’obtenir sa libération, notamment Nelson Mandela et Desmond Tutu. Robert Redford a produit un documentaire en faveur du prisonnier. Lors de sa réélection de 1996, Bill Clinton déclare qu’il n’oubliera pas Peltier, ce qu’il fait aussitôt élu. En 1999, le Parlement européen adopte une résolution en faveur de sa libération, restée sans suite.

Comme pour d’autres militants des années soixante et soixante-dix, le plus souvent des militants noirs comme Albert Woodfox (emprisonné depuis 1972) ou Mumia Abu-Jamal (enfermé depuis 1982), l’État américain entend faire expier Leonard Peltier pour avoir osé relever la tête contre une société injuste, raciste et exploiteuse ; une tâche dans laquelle le FBI a joué un rôle de premier plan dans la surveillance comme dans la répression. Pendant ce temps, la situation de la majorité des Noirs ou des Indiens n’a cessé de se dégrader.

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