Travaux sous-marins : le prix de l’or noir06/01/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/01/2475.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Travaux sous-marins : le prix de l’or noir

Le journal Le Marin du 27 novembre 2015 signalait que d’anciens plongeurs ayant travaillé dans la recherche pétrolière préparaient une action en justice. Ils estimaient que leur vie avait été mise en danger dans les années 1970 et 1980 par l’utilisation de tables de décompression inadéquates.

Ekofisk, c’est le nom du premier champ pétrolier norvégien sur un immense plateau crayeux. Il fut découvert en 1969.

Pour mettre en place les installations en pleine mer, les plongeurs furent lancés sans préparation sérieuse à 100, 200 mètres de profondeur, voire plus : il fallait aller plus vite que les concurrents pour sortir pétrole et gaz. Chaque remontée du fond nécessitait une période de décompression, mais là il n’y avait pas le temps de faire des essais, de calculer les moments de remise à niveau des bulles de gaz qui, sinon, circulent librement dans l’organisme en entraînant des séquelles terribles.

Pour mettre en place un protocole, il aurait fallu des expérimentations sérieuses, établir des tables de décompression dignes de ce nom. Les compagnies ont donc utilisé ce qu’elles ont pu trouver : les tables établies dans le camp de concentration de Dachau par un médecin nazi qui sacrifiait allégrement ses cobayes humains.

Ce sont d’ailleurs ces tables qui ont longtemps servi à la marine américaine et ensuite aux différentes sociétés utilisant des plongeurs. Il n’était pas question de perdre des années pour calculer sérieusement le temps de décompression et il était encore moins question de payer cher un plongeur pendant des jours et des jours à ne rien faire ou à jouer aux cartes dans son caisson de décompression.

La COMEX, une société marseillaise, qui n’existe plus aujourd’hui et qui a fourni de nombreux plongeurs, a montré tout son cynisme par la voix de Bernard Gardette, son ancien directeur scientifique : « Le danger restera toujours présent dans cette profession, mais il n’est pas plus important que dans le bâtiment. »

Or, d’anciens plongeurs gravement atteints ont essayé de recontacter leurs collègues, du moins ceux qui sont restés en vie. Ils ont attaqué en justice et ont eu en partie gain de cause devant la Cour européenne des droits de l’homme en 2013.

Sur les 235 plongeurs qu’ils ont recensés, 66 sont morts en plongée, au moins 18 se sont suicidés et la plupart des survivants ont des lésions cérébrales et des séquelles physiques et psychologiques. Une broutille, pour tous ces messieurs, comparé aux millions de tonnes d’hydrocarbures sorties d’Ekofisk.

Olivier Truc, le correspondant du Monde et de Libération pour les pays nordiques raconte le long silence et les terribles séquelles de ces plongeurs dans son roman policier Le détroit du loup.

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