Leur société

Marché de l’art et art du marché

À l’occasion du procès Wildenstein, la presse a évoqué la fortune de la famille, sans que personne ne puisse la chiffrer.

L’explication d’une telle fortune serait à rechercher dans le sens artistique et commercial de trois générations de marchands d’art. Alors que tout un chacun est capable de se lier d’amitié avec son voisin de palier ou de conserver un copain de régiment, les Wildenstein, eux, attireraient les artistes, surtout ceux qui finissent par bien se vendre. Pour devenir milliardaire, il suffirait de reconnaître le génie d’un crève-la-faim comme Van Gogh, de prendre l’apéritif avec lui régulièrement, de lui acheter ses toiles pour une bouchée de pain et d’attendre que la cote monte.

Or, depuis plus d’un siècle, la cote des œuvres d’art monte à des hauteurs vertigineuses. Elle monte depuis que les grandes familles bourgeoises, de Paris à New York, de Londres à Berlin, dépensent leurs excédents de capitaux en achetant de l’art et en créant de fait un marché… et des marchands. Avoir un Picasso dans son salon, c’est en même temps épater ses invités et faire un bon placement.

Le talent des Wilden­stein et de quelques autres, s’il faut l’appeler ainsi, c’est d’avoir su accompagner le parasitisme croissant de la bourgeoisie en accomplissant pour elle ce miracle : lui permettre de dépenser son capital et de l’arrondir à la fois, sans rien produire, naturellement.

À Versailles aussi, du temps de Louis XIV, quelques organisateurs de plaisirs ont fini riches, voire anoblis. Ils ont disparu en même temps que leur clientèle.

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