Syrie : Hollande tente de placer ses pions30/09/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/10/2461.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Syrie : Hollande tente de placer ses pions

Depuis deux mois, Vladimir Poutine ne cesse d’envoyer des soldats en Syrie, d’abord discrètement, désormais au grand jour. D’une situation où la base navale russe de Tartous à l’ouest de la Syrie semblait menacée par les succès de Daech, la Russie est passée à une position de force pour défendre militairement cette base et même tenter de jouer un rôle de premier plan dans la coalition des grandes puissances contre Daech.

Depuis début août, des navires de guerre russes venant de la mer Noire ont franchi le Bosphore pour rejoindre Tartous. C’est là que, en accord avec le régime syrien, des navires de guerre russes, et avant eux ceux de l’Union soviétique, stationnent depuis des dizaines d’années. Un peu plus au nord, en utilisant l’aéroport régional de Lattaquié, Poutine a également déployé des moyens aériens non négligeables, dont plusieurs dizaines d’avions de chasse. En tout, au moins 2000 militaires russes auraient déjà été envoyés en Syrie.

La crainte de perdre la seule base navale russe en Méditerranée a évidemment incité Poutine à l’action, en venant par la même occasion à la rescousse de son allié, le régime de Bachar al-Assad menacé par l’avancée de Daech. Mais en déployant une telle force militaire, Poutine vient aussi à la rescousse des Occidentaux, même si ceux-ci protestent pour la forme.

Pour les États-Unis, toujours à la recherche d’une solution militaire contre les djihadistes et n’imaginant pas intervenir eux-mêmes directement en Syrie, l’initiative de Poutine est une opportunité de circonscrire l’avancée de Daech. D’autant plus que la Russie pourrait également appuyer et coordonner le soutien de puissances de la région comme l’Iran et l’Irak.

Cela implique évidemment que les États-Unis acceptent de composer à nouveau avec le pouvoir syrien de Bachar al-Assad. Pour l’instant, Obama y met les formes, déclarant qu’après « tant de sang versé et de carnages, il ne peut y avoir un retour au statu quo d’avant la guerre ». Mais le revirement du pouvoir américain n’est peut-être qu’une question de temps, avant que le dictateur syrien ne redevienne un interlocuteur acceptable, ou au moins un moindre mal

Les revirements diplomatiques des grandes puissances vis-à-vis des dictateurs sont courants.Derrière les postures de façade, ce qui se trame entre dirigeants russes et américains est la recherche d’une « solution politique » en Syrie, autrement dit de la forme à donner au pouvoir politique s’ils réussissaient à éliminer Daech.

Ce sont bien ces tractations en cours qui expliquent la décision de Hollande de déclencher les bombardements français sur la Syrie. Un général français l’a dit juste après les premiers bombardements aériens sur un camp d’entraînement de Daech : « Ces frappes sont beaucoup plus importantes sur un plan diplomatique et politique que militaire » car elles visent « à replacer la France dans le jeu diplomatique. »

L’impérialisme français joue des coudes comme il peut, de façon à montrer que lui aussi est présent militairement en Syrie et doit donc être partie prenante des tractations. Il se rappelle aux bons souvenirs des premiers protagonistes en bombardant, en tentant aussi d’apparaître comme la puissance occidentale de la coalition contre Daech qui serait la plus hostile à Bachar al-Assad. Il se fait ainsi l’allié de l’Arabie saoudite, du Qatar et des Émirats face à leur ennemi régional, non seulement syrien mais iranien.

Toutes ces manœuvres n’ont évidemment rien à voir avec les intérêts des populations locales, qui continuent de subir les bombardements, ou des réfugiés qui les fuient. C’est le jeu cynique de la diplomatie des grandes puissances qui, après avoir contribué à semer le chaos dans toute la région, tentent péniblement d’y restaurer un semblant de stabilité.

Recevant Poutine, le 28 septembre, Obama a proposé un toast « à toutes les nations, aux Nations unies et à la quête de la paix ». Voilà ce qu’on appelle du langage diplomatique.

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