Haïti : une grève à Port-au-Prince03/06/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/06/2444.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Haïti : une grève à Port-au-Prince

Le numéro du 15 mai 2015 de La Voix des Travailleurs, le journal de l’Organisation des travailleurs révolutionnaires (OTR) d’Haïti, consacre un article à un mouvement des travailleurs de GMC, une des usines de la famille Apaid à Port-au-Prince, une des riches familles bourgeoises qui détiennent 80 % des richesses du pays. Elle tire surtout ses richesses de l’exploitation des travailleurs dans le secteur textile, la sous-traitance.

À la fin avril et au début mai, les ouvriers de GMC sont entrés en lutte contre l’intention de leur patron de leur confisquer les indemnités de près de dix ans de travail.

Les hostilités ont débuté fin avril quand, pressé par des organisations internationales qui se sont donné pour tâche de surveiller les conditions de travail dans les usines de sous-traitance, le patron devait remplir un cahier de bonne conduite disant qu’il respecterait toutes les lois sur les conditions de travail de ses salariés. Dans ce cahier figure un contrat de travail devant être signé par l’ensemble des travailleurs de l’usine.

Dans le secteur de la sous-traitance en Haïti, les travailleurs ont ce qu’on appelle un accord verbal où le patron peut introduire tout ce qu’il veut... Mais passer de ce stade de précarité totale à une autre forme de contrat écrit suppose qu’il mette fin à ce contrat dit verbal en payant aux ouvriers des indemnités de fin de contrat. Pour eux, cela représente la seule opportunité de réunir en une seule fois dans leur vie entre 15 à 20 000 gourdes (soit trois mois de salaire et 300 ou 400 euros).

Pour le patron, la signature de ce nouveau contrat effacera toutes les indemnités et l’affranchira de verser quoi que ce soit aux travailleurs, même en cas de licenciement. Il a commencé par convoquer des groupes de travailleurs au service du personnel pour obtenir après pressions et chantages la signature du nouveau contrat. Pendant la pause repas du midi, pendant le travail et à la sortie, cela devint le principal sujet de conversation entre les ouvriers. L’idée de s’organiser ensemble pour contrer le patron prit corps et, chaque après-midi après le travail, ils se réunirent pour débattre ensemble des meilleurs moyens de lutte. (…) Le nombre de participants passa de 50 à 100, 200 et un jour jusqu’à 1 000 ouvriers. L’idée d’une grève d’avertissement de 24 heures fut plébiscitée et la date du 23 avril retenue.

Ce fut une journée historique pour ces travailleurs mais également pour toute la classe ouvrière, montrant que par leurs luttes et leur détermination ils pouvaient imposer un droit que les patrons piétinent depuis belle lurette, le droit de faire grève.

Le lendemain, le patron passa à l’offensive. Deux jours après la grève, le 25 avril, le bruit courut que le président du syndicat venait d’être molesté par le directeur de l’usine dans son bureau au terme de plusieurs heures d’interrogatoire sur le mouvement. Illico, les travailleurs laissèrent leurs machines pour se réunir dans la cour de l’entreprise. Le chef du syndicat expliqua ce qui venait de se passer dans le bureau du directeur. L’atmosphère s’enflamma dans l’usine, les ouvriers restant mobilisés jusqu’à 16 heures, l’heure habituelle de sortie.

Lundi 27 avril, dans une note affichée aux portes, le patron annonçait que l’usine était fermée. Tous les délégués syndiqués étaient révoqués, tous les ouvriers renvoyés, le patron se réservant le droit de les appeler par petits groupes selon les besoins.

Une semaine de lutte et de mobilisation de l’ensemble des travailleurs de l’usine commença, l’objectif étant de rester devant l’entreprise et d’empêcher que des briseurs de grève n’y entrent.

Finalement en fin de semaine le patron recula. Il abandonnait l’idée de faire signer sous pression son nouveau contrat et acceptait de reprendre tous les travailleurs et non par petits groupes comme il le souhaitait. Le principe de la réintégration des délégués syndicaux fut accepté par le patron, bien qu’in extremis, pour cacher sa capitulation en disant posséder un dossier sur chacun de ces ouvriers et en continuant de réclamer la formation d’une commission pour obtenir leur révocation.

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