Leur société

Spéculation : les banques prospèrent sur la faim

L’ONG Oxfam France vient de publier un rapport intitulé Les banques françaises spéculent-elles toujours sur la faim ? Ce bilan sur le comportement spéculatif des banques sur le marché des matières premières agricoles est édifiant.

les banques prospèrent sur la faim

En proposant à leurs clients des fonds spéculatifs indexés sur des indices de prix des matières premières agricoles, les banques – entre autres françaises – font un pari à sens unique sur la hausse des prix. Les investissements dans ces fonds provoquent une augmentation artificielle de la demande en produits agricoles sur les marchés financiers, qui entraîne à son tour de brusques flambées des prix alimentaires.

Ces activités spéculatives, qui n’ont plus aucun lien avec les marchés agricoles physiques, ont une traduction dramatique dans la vie des populations des pays pauvres, exposées à la hausse rapide et erratique des prix agricoles et alimentaires.

Ainsi, de février 2005 à janvier 2008, les prix alimentaires avaient globalement augmenté de 83 %, tandis que les prix du blé atteignaient des records, avec une hausse de 181 %. Des hausses qui n’étaient dues qu’en très faible partie aux conditions climatiques et à la production réelle, et bien plus à la spéculation.

Suite à son étude de 2013, Oxfam France avait engagé une campagne « Banques : la faim leur profite bien », dans laquelle elle demandait aux dirigeants des banques françaises épinglées pour leurs activités spéculatives de s’engager à les réduire. Deux ans et moult promesses plus tard, la réalité confirme que la loi du profit est plus forte que toutes les bonnes résolutions affichées en paroles.

La BNP Paribas s’était ainsi engagée à fermer deux des fonds indexés sur les matières premières agricoles, sur les dix repérés par l’enquête d’Oxfam. Mais même cette toute petite promesse n’a pas été tenue puisque aujourd’hui Oxfam constate : « La BNP Paribas commercialise au moins onze fonds permettant de spéculer sur les prix des matières premières agricoles, dont le montant total s’élève à plus de 1 318 millions d’euros. » En réalité, si la BNP Paribas, tout comme les autres banques françaises incriminées, a fermé certains de ces fonds spéculatifs, c’est parce qu’ils n’étaient plus assez performants, et pour en ouvrir de nouveaux dans la foulée.

L’ONG s’était également tournée vers le gouvernement, rappelant à Hollande sa promesse de candidat de « mettre fin aux produits financiers toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l’économie ». Mais, constate Oxfam : « Le gouvernement s’est fermement opposé à la proposition d’interdire purement et simplement les fonds indexés sur les matières premières agricoles. » Tout au plus les parlementaires avaient-ils introduit des amendements concernant ces activités spéculatives dans le projet de loi sur la « séparation et la régulation des activités bancaires », amendements qui « ne sont toujours pas mis en œuvre » aujourd’hui, déplore Oxfam.

D’après l’organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, 800 millions de personnes souffrent toujours de la faim dans le monde, bien qu’on produise assez de nourriture pour nourrir correctement l’ensemble de l’humanité. Les banques n’en continuent pas moins à spéculer massivement sur la faim : cela rapporte gros.

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