Alstom – Saint-Ouen : l’amiante en procès25/02/20152015Journal/medias/journalarticle/images/2015/02/alstom_amiante_tpage_15.JPG.420x236_q85_box-0%2C0%2C3200%2C1800_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Alstom – Saint-Ouen : l’amiante en procès

Le 17 février se tenait au tribunal des prud’hommes de Bobigny le procès opposant 58 anciens travailleurs de l’Alstom Saint-Ouen, presque tous présents, à la direction de l’usine. Le motif de leur plainte était le préjudice d’anxiété dû à l’exposition à l’amiante.

Illustration - l’amiante en procès

Le conflit remonte à 1996, quand ils ont appris le décès d’un camarade des suites d’un cancer du poumon dû à l’amiante. Dès cette époque, un comité de défense des travailleurs contre les dangers de l’amiante avait été mis en place, avec le soutien de la CGT, de la CFDT de l’usine et de l’Andeva, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante. La lutte pour faire cesser l’utilisation de l’amiante à l’usine et pour le retirer des installations a été longue. À toutes les étapes, cela s’est traduit par un bras de fer avec la direction, dans l’usine, devant les tribunaux, pour faire reconnaître les maladies professionnelles, obtenir des fiches d’exposition, etc. Il a fallu plusieurs procès pour qu’enfin, en 2011, l’usine soit classée comme site amianté, ce qui a permis à certains travailleurs de partir en préretraite amiante.

Mais les fiches d’exposition ou la préretraite ne peuvent pas éliminer le risque de déclarer une maladie due à l’inhalation pendant des années du poison que la direction leur a fait respirer. Cela n’a donc pas empêché la mort ou la maladie de plusieurs travailleurs. La plainte pour anxiété a pour but d’obtenir réparation de la crainte de développer une maladie, ce qui se traduit pour certains par un état dépressif, la peur de l’avenir…

La plaidoirie de l’avocate de l’Alstom a été surréaliste. Elle a argué que l’usine datait de 1920, qu’elle avait changé de nom au gré des fusions, ventes, ou simplement de sigle, mais pourtant pas de production. Donc, selon elle, demander à l’Alstom de fournir des documents remontant à trente ans ou plus était impossible. Mais, dans la foulée, elle a précisé que le problème de l’amiante avait été soulevé en CHS dès 1977 – là, elle a trouvé des documents !– et donc… que les salariés étaient bien au courant : ils auraient donc dû se réveiller plus tôt et ne pas attendre 2013 pour porter plainte !

Dans un procès-verbal de CHS plus récent, on a trouvé la réponse savoureuse d’un médecin du travail répondant en gros : pas de problème avec l’amiante utilisé dans l’usine, elle est dépoussiérée ! Autre perle de la direction : un ingénieur-sécurité, surnommé « le pharmacien » et déjà célèbre par la phrase : « Le pyralène, j’en boirais », a osé affirmer : « Pourquoi des protections ? N’avez-vous pas assez des poils dans le nez et dans les oreilles pour filtrer bruits et poussières ? »

Que la direction n’ait pas d’arguments pour sa défense, cela n’a étonné personne, mais un tel cynisme a écœuré tout le monde. Le verdict doit être rendu le 12 mai prochain. Quel qu’il soit, même si l’usine est aujourd’hui fermée, la solidarité entre les travailleurs, elle, reste ouverte.

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