Ukraine : La population dans l'étau des grandes puissances28/01/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/01/2426.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ukraine : La population dans l'étau des grandes puissances

De trêves non respectées en réunions internationales censées mettre un terme aux combats, l'affrontement qui oppose le gouvernement ukrainien aux sécessionnistes du Donbass, et derrière eux les puissances occidentales à Moscou, n'en finit plus d'ensanglanter l'est de l'Ukraine et d'empoisonner le reste du pays.

Moins d'un an après la chute du régime honni de Ianoukovitch et son remplacement par un gouvernement nationaliste, que les États impérialistes d'Amérique et d'Europe de l'Ouest tiennent à bout de bras, le décompte macabre des victimes de ce conflit a déjà dépassé les 5 000 morts.

Tel jour, une mine antichar déchiquette un bus en tuant tous ses passagers. Une autre fois, les obus de l'armée, ou des rebelles, prennent pour cible une crèche, un hôpital. Ce peuvent être des quartiers peuplés de la principale ville du Donbass, Donetsk, qui sont frappés. Ou ceux de Marioupol, un grand port industriel qui a le « tort » de se trouver près de la ligne de front et de contrôler une bande de terrain qui permettrait de relier la Russie à la Crimée, redevenue russe au printemps dernier.

Le 12 janvier, des tirs ayant atteint Zasiadko, la plus grande mine du pays, qui avait connu des catastrophes meurtrières répétées après la fin de l'URSS, 330 mineurs avaient dû attendre des heures qu'on rétablisse le courant pour remonter à la surface. Deux semaines plus tard, un bombardement a de nouveau frappé Zasiadko, coinçant 500 mineurs au fond du puits.

Même à des centaines de kilomètres de là, la tension guerrière pèse sur tout et sur tous. Avec le risque qu'éclatent des affrontements dans certaines grandes villes russophones de l'Est et du Sud, censées être fidèles à Kiev, mais où la situation est si instable que le gouvernement y a très fortement renforcé la présence policière, comme dans la capitale même.

Quant à l'ouest du pays, berceau du nationalisme ukrainien et principal appui du gouvernement, il n'est pas épargné par la guerre. Il y a les levées répétées de soldats, car Kiev n'arrive pas, malgré les livraisons d'armes en provenance des États-Unis et du Canada, à faire face aux sécessionnistes, renforcés et armés par le Kremlin. Alors, en un an, on en est à la quatrième vague de conscription que la population subit, et mal, à en juger par le fait que de nombreux jeunes, même dans l'Ouest, fuient pour y échapper.

Il y a aussi l'exaltation, orchestrée par les autorités, des « héros » du Maïdan, de ceux du front, qui empoisonne l'atmosphère. Dans bien des villes, des monuments, des places leur ont été dédiés. Et un peu partout les enfants sont appelés à confectionner et à vendre des gâteaux, à organiser des collectes au profit de l'armée. La population adulte est mise à contribution, pour héberger des réfugiés et, de façon plus insistante, pour « aider nos vaillants soldats » : de façon volontaire, quand on lui demande de stocker vêtements et vivres pour le front ; d'une façon autoritaire, quand l'État prélève une taxe spéciale sur les salaires au titre de l'effort de guerre.

Ce conditionnement militariste n'est pas propre aux autorités de Kiev : à l'est de l'Ukraine, les tenants de la Nouvelle Russie intoxiquent les esprits avec le même type de propagande. Et les dirigeants russes, Poutine en tête, n'ont pas attendu ce conflit pour instiller le poison du chauvinisme guerrier dans la population russe.

À Moscou comme à Kiev, les gouvernants voudraient ainsi souder politiquement la population derrière eux. L'Ukraine étant exsangue et sans le sou, les autorités espèrent aussi faire oublier à la population qu'elle paye, et n'a pas fini de payer au prix fort, la volonté de ce qu'on appelle là-bas les « élites » - bureaucrates, affairistes et petits bourgeois - de se rapprocher de l'Occident. Pays aux hivers rigoureux, l'Ukraine doit par exemple faire des économies de chauffage. « Solution » radicale, les autorités ont fermé des crèches, écoles et universités en janvier car, si les transports en commun ne sont pas chauffés, les bâtiments publics non plus...

Et ce n'est encore presque rien, comparé aux mesures d'austérité féroce que les organisations financières internationales exigent de Kiev en échange de leur « aide » ; des mesures que ses parrains, les pays riches, acceptent pour partie de différer quelque temps encore.

Le temps que l'un des deux camps l'emporte ? C'est peu réaliste. Alors, ce sera le temps qu'un rapport de force se dégage, entre Moscou et ses alliés locaux d'une part, les protecteurs occidentaux de Kiev d'autre part, qui permette aux uns et aux autres de se targuer, devant leurs opinions, de l'avoir emporté.

En attendant, la grande majorité de la population grelotte, survit avec des salaires réduits, des pensions amputées, tandis que dans l'Est les cadavres s'amoncellent sur des tas de ruines, et qu'un fossé de sang se creuse, malgré elles, entre des populations que tout devrait rapprocher.

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