Safran et Airbus s'emparent d'Ariane : Les profits sur orbite...31/12/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2015/01/2422.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Safran et Airbus s'emparent d'Ariane : Les profits sur orbite...

Le 3 décembre, les ministres européens, français en tête, ont décidé de confier les clés d'Ariane à Airbus et à Safran. Sous le prétexte de résister à la concurrence américaine, les deux groupes s'approprient en fait toute la filière des lanceurs spatiaux, via la création d'une société commune, la joint-venture Airbus Safran Launchers, une filière qui s'est construite sur des décennies d'investissements publics européens.

Ces deux entreprises profitaient déjà de marchés publics en tant que producteurs de toute une partie des lanceurs. Estimant depuis longtemps que les marchés des lanceurs et des tirs spatiaux peuvent leur rapporter bien plus, elles ont voulu s'en emparer. Elles ont pu, une fois de plus, avoir l'oreille attentive et complaisante des pouvoirs publics et en particulier de la France qui compte parmi les principaux financeurs d'Ariane (52 %). Geneviève Fioraso, la secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, a ainsi répondu aux sollicitations du directeur général d'Airbus Defence and Space que « si Safran pense la même chose que vous, cela deviendra la position française ».

Dans la corbeille de naissance de Airbus Safran Launchers, l'État mettra les parts que le Centre national d'études spatiales, un organisme public, détient dans Arianespace, la société qui commercialise les vols spatiaux d'Ariane. Pour Airbus et Safran, il n'est pas question de prendre de risques. Si Ariane est privatisée, le développement d'Ariane 6, la fusée qui doit prendre le relais d'Ariane 5, se fera toujours sur fonds publics. Pour cela les industriels attendent des pays européens quatre milliards d'euros de subventions, y compris la construction d'un nouveau pas de tir à Kourou. Sans compter que si les industriels disent assumer le risque commercial, ils ont négocié que, chaque année, les États européens leur commandent un minimum de cinq tirs dits « institutionnels ». Les investissements et les risques sont donc assumés par les États tandis que les profits sont privatisés.

La concurrence américaine n'est qu'un grossier prétexte pour offrir aux industriels un secteur qui peut rapporter gros.

Airbus et Safran ont annoncé d'entrée de jeu la couleur : réduire les coûts des lanceurs de 40 %. Cela ne pourra se faire qu'en réorganisant la production à l'échelle européenne et probablement en maniant le sécateur dans les effectifs des sites qui intégreront la nouvelle société. Celle-ci compte dès le 1er décembre 2014, 450 personnes. 8 000 travailleurs y seront intégrés au 1er janvier 2016.

Sur les sites concernés (Kourou, Snecma Vernon en région parisienne, Herakles au Haillan en Gironde pour Safran, les Mureaux en région parisienne, ou encore Saint-Médard en Gironde pour Airbus), les travailleurs s'attendent à des mutations forcées et des suppressions d'emplois.

Les dirigeants de Safran et d'Airbus n'ont pas besoin de savoir faire décoller des fusées. Ce sont les travailleurs, les ouvriers, techniciens, ingénieurs qui le font. Mais pour remplir les poches de leurs actionnaires de centaines de millions d'euros supplémentaires, ces patrons ne manquent ni d'imagination ni de complices dans les instances gouvernementales.

Partager