Dans le monde

États-Unis : Une justice raciste et de classe

Après 31 ans de prison, Henry Lee McCollum, 51 ans, et Leon Brown, 46 ans, viennent d'être libérés. Depuis tout ce temps, Henry Lee McCollum était dans le couloir de la mort, dans des conditions de détention extrêmement dures.

En 1983, ces deux demi-frères avaient été rapidement condamnés pour le viol et le meurtre d'une fillette. Toute l'accusation se fondait sur leurs aveux, extorqués, dictés par la police alors qu'ils étaient à bout. Qu'ils aient ensuite toujours proclamé leur innocence n'avait pas empêché qu'ils soient condamnés. Que les deux hommes aient un handicap mental, et que le plus jeune ait été au moment des faits qui lui étaient reprochés un adolescent de 15 ans, non plus. Tous les éléments matériels qui les disculpaient avaient été écartés.

C'est l'ADN d'un mégot retrouvé sur la scène du crime qui a permis d'innocenter les deux hommes. Cet ADN est celui d'un homme demeurant à 100 mètres du lieu du meurtre de la fillette et qui fut condamné pour un viol et un meurtre identiques, commis quatre semaines après le premier. À l'époque, ni le procureur, ni la police ne cherchèrent à rapprocher les deux meurtres.

Le procureur qui les a fait condamner, Joe Freeman Britt, se faisait fort de multiplier les condamnations à mort, 48 au total, et figure à ce sinistre titre dans le livre Guinness des records. Par la suite, devant les demandes d'une commission d'enquête, la police expliqua qu'elle ne disposait plus des traces matérielles retrouvées sur les lieux du crime (cheveux, etc.) Mais des scellés furent retrouvés récemment au commissariat par ladite commission. Encore en 2010, le Parti républicain utilisait le cas de McCollum pour fustiger le Racial Justice Act, une loi adoptée en 2009 en Caroline du Nord pour interdire les condamnations à mort sur la base de la race : « Il a violé et tué une enfant de 11 ans... et il va peut-être bientôt sortir de prison et devenir votre voisin ».

Cette erreur judiciaire n'en était pas vraiment une, mais s'inscrivait dans le fonctionnement raciste de la justice américaine, qui a condamné à la prison, voire à la mort, des centaines, si ce n'est des milliers de Noirs, pour des crimes qu'ils n'avaient pas commis. Une ONG, « Innocence Project », a dénombré 146 cas de condamnés à mort qui ont été innocentés. Combien d'autres ne le seront jamais ? Aujourd'hui encore, il y a plus de 3 000 personnes dans le « couloir de la mort » dans le pays, dont 152 rien qu'en Caroline du Nord. Depuis la réintroduction de la peine de mort en 1976, 1 386 personnes ont été exécutées. Dans leur immense majorité, les condamnés à mort sont des Noirs, des immigrés, des pauvres surtout.

Les États-Unis se prétendent un État démocratique, mais les pauvres, les Noirs en particulier, y sont les premières victimes d'une justice qui a souvent tout d'une parodie.

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