Ukraine : Après l'accord avec l'Union européenne02/07/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/07/une2396.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ukraine : Après l'accord avec l'Union européenne

Le 27 juin, le nouveau président-milliardaire ukrainien Porochenko a qualifié de « jour historique » la signature, à Bruxelles, de l'accord d'association avec l'Union européenne.

Rappelant que c'est avec cet accord que « tout avait commencé », quand le président précédent, Ianoukovitch, avait refusé de le signer, ce qui avait entraîné une puissante vague de contestation, puis le renversement de Ianoukovitch au profit d'un régime prooccidental, la presse ukrainienne en a fait des tonnes pour « vendre » cet accord à ses lecteurs.

La foire aux illusions...

À en croire un journal de Lviv, capitale de l'Ukraine occidentale, ce « serait une étape importante avant [...] l'intégration dans l'Union européenne »... dont les grands États ouest-européens ne veulent pas. Le quotidien de Kiev, Dien', a énuméré les retombées d'un accord qui, selon lui, « va entraîner une hausse des revenus du pays de près de 1,2 milliard d'euros par an ». Et de citer, « parmi les secteurs qui devraient en profiter le plus, la confection et le textile, l'industrie agroalimentaire et l'exploitation des métaux non-ferreux ». Pour les branches en question, cela reste à voir. Mais pour leurs salariés, c'est tout vu. Une récente étude a révélé que des groupes ouest-européens de l'habillement se tournent de plus en plus vers l'Ukraine - et la Moldavie, autre ex-république soviétique ayant signé cet accord avec l'Europe - car ils y payent des salaires bien moindres qu'en Chine ! Quant aux salariés de l'agroalimentaire, qui survivent déjà difficilement, surtout dans l'ouest ukrainien, ils n'ont qu'à regarder de l'autre côté de la frontière pour imaginer quel sort les attend : celui des travailleurs et des paysans polonais, victimes de la mainmise du capital occidental sur les entreprises et la terre de leur pays.

... et un sanglant chaos

Mais « c'est ainsi que se consolide un État jeune », a proclamé à la une le quotidien du Parlement, en un titre patriotique relevant de l'humour noir. Car, au moment même où les flonflons officiels célébraient la signature avec Bruxelles, dans l'est de l'Ukraine le canon ne cessait de tonner. Cela révèle ce que valent et le « cessez-le-feu » proclamé par les autorités de Kiev, et cette « consolidation » de leur État, quand ses provinces les plus riches, qui ont fait sécession, voient s'affronter en une véritable guerre des bandes nationalistes rivales : les milices prorusses d'une part, des détachements de l'armée ukrainienne et de paramilitaires d'extrême droite d'autre part.

Depuis fin mars, près d'un demi-millier de personnes, des combattants mais aussi des civils, ont déjà péri dans ces affrontements. Rien que sur les dix derniers jours de juin - durant le « cessez-le-feu » - quarante autres ont été tuées. Cela sans compter les blessés, les destructions que font les tanks, les missiles, les tirs d'hélicoptère dans des régions urbanisées.

Que l'est de l'Ukraine soit devenu un enfer, cela s'inscrit dans les chiffres fournis par le haut-commissariat aux Réfugiés de l'ONU : il a recensé 54 400 personnes parties se réfugier en Ukraine et 110 000 autres parties en Russie. Quant aux manifestations de femmes venant empêcher des trains de conscrits de partir vers l'Est ou venant chercher leurs fils dans les casernes dans plusieurs villes de cet Ouest réputé être le bastion du nationalisme ukrainien, elles montrent aussi que, contrairement à la propagande officielle, la population, même ailleurs qu'à l'Est, est loin d'adhérer comme un seul homme à la politique de Kiev.

Car, dans la guerre que le régime mène contre ceux qu'il accuse de terrorisme, la première victime est la population laborieuse, du Donbass bien sûr, mais aussi des autres régions d'Ukraine. Alors que chaque jour y tombent des soldats, venus de l'ouest ou du centre du pays, et des miliciens prorusses, partout dans le pays les cliques dirigeantes usent du climat de guerre pour faire taire la population, et d'abord les revendications des travailleurs, là où il arrive qu'elles s'expriment.

Quant à faire taire les armes, malgré le dialogue à quatre - Hollande, Merkel, Poutine, Porochenko - hypermédiatisé de fin juin, c'est une autre affaire. Les chefs des bandes séparatistes prorusses, devenus largement incontrôlables, n'ont nulle raison d'abandonner les fiefs qu'ils se sont constitués les armes à la main. Pas plus que certains officiers et activistes d'extrême droite ukrainiens n'en ont de renoncer à des opérations qui confortent leur position, leur influence, voire leurs privilèges.

Quant à Poutine et Porochenko, ils aimeraient sans doute « faire retomber la tension », comme disent les diplomates. Mais ils ne peuvent pas se permettre, vis-à-vis de leur opinion et plus encore de leur appareil d'État, d'apparaître comme ayant cédé. Et pendant qu'ils cherchent une solution qui satisfasse et l'un et l'autre, le sang de la population continue à couler.

Les grandes puissances occidentales, et d'abord celles de l'Union européenne, n'y voient pas forcément à redire si l'accord d'association permet à leurs entreprises d'engranger de nouveaux profits en Ukraine, avec des militaires et paramilitaires qui maintiennent la population sous leur botte...

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