Fin de vie : Le droit de choisir02/07/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/07/une2396.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Fin de vie : Le droit de choisir

L'affaire Vincent Lambert et celle du docteur Bonnemaison relancent le douloureux problème des conditions de la fin de vie et de la dégradation de la dignité à laquelle elle expose.

Âgé de 38 ans, Vincent Lambert est privé de conscience suite à des lésions cérébrales irréversibles consécutives à un accident de voiture survenu il y a sept ans. Une alimentation artificielle le maintient dans un état de vie végétative dont les seuls signes sont le produit de réflexes inconscients. Depuis plusieurs années, les procès se succèdent. D'un côté, sa femme et des membres de sa famille en appellent à l'arrêt des traitements, en accord avec l'équipe médicale et aussi avec le souhait exprimé antérieurement par Vincent Lambert de ne pas être maintenu artificiellement en vie. De l'autre, ses parents se battent pour « laisser vivre » Vincent, au nom disent-ils de leur amour. Drôle d'amour que celui imposé par leur foi catholique ! Mardi 24 juin, le Conseil d'État, requis en énième instance après de nombreux procès, affirmait qu'il était légal d'arrêter les soins. Quelques heures plus tard, la Cour européenne des droits de l'homme, saisie en urgence par la mère, demandait une suspension de la décision du Conseil d'État. Vincent Lambert continue donc à subir l'acharnement thérapeutique auquel il était opposé, sans autre raison que celle de satisfaire à des dogmes d'un autre âge. Ces mêmes dogmes au nom desquels certains dénient aux femmes le droit de choisir si elles veulent ou pas être mère, de même qu'ils s'opposaient il n'y a pas si longtemps à l'accouchement sans douleur, au prétexte que les femmes devraient « enfanter dans la douleur ». Des dogmes qui pourrissent l'existence de son début à la fin, en passant par le milieu.

Le docteur Bonnemaison, lui, était poursuivi pour « empoisonnement sur personnes vulnérables » pour avoir administré à des personnes âgées en fin de vie des substances ayant entraîné leur mort rapide. Il ne niait pas les faits, affirmant qu'il avait agi en conscience pour abréger les souffrances de ces malades. Traduit devant une cour d'assises, les jurés l'ont acquitté, confirmant qu'il n'était pas un meurtrier mais un médecin attentif. Les images diffusées par les télévisions des applaudissements à l'énoncé du verdict et les sondages effectués depuis ont montré qu'ils sont nombreux ceux qui en appellent à une loi permettant d'abréger les souffrances de la fin de l'existence et d'assurer sa dignité.

La loi Léonetti votée en 2005 répond en partie au problème. Elle refuse et condamne « l'obstination déraisonnable », c'est-à-dire l'acharnement thérapeutique. Elle autorise à arrêter les traitements à la demande du malade ou, s'il ne peut plus le faire, après décision collégiale des proches et de l'équipe soignante. Elle rend obligatoire le soulagement des douleurs, y compris avec des doses d'antalgiques qui risquent d'abréger la vie du malade mais... elle interdit l'administration d'une substance qui provoque la mort du malade. Elle autorise donc à « laisser mourir » mais interdit de « faire mourir ». Et c'est là que l'hypocrisie se niche, puisque chacun sait que dans bien des cas, et heureusement, des soignants, tel le docteur Bonnemaison, savent prendre leurs responsabilités.

Certes, la promulgation d'une loi autorisant dans certains cas à « faire mourir » nécessiterait de sérieux garde-fou, dans une société où tous les rapports sociaux sont gouvernés par l'argent et toutes les activités sociales par la rentabilité. Quoique de telles lois existent en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg, sans, que l'on sache, entraîner d'abus.

Le droit de choisir sa fin de vie, une fin de vie digne, devrait appartenir à chacun. De même que devrait appartenir à tous le droit de bénéficier des progrès de la médecine. On est loin du compte. Depuis des décennies, des hôpitaux et autres structures de soins sont fermés, des postes de personnels de santé sont supprimés, on en arrive même à ce que des techniques d'examen médical comme les IRM soient limitées pour des raisons d'ordre budgétaire. Dans cette société, le droit de choisir une fin de vie digne, comme celui de bénéficier d'une vie digne, est soumis à l'absurdité engendrée par la rentabilité et gouverné par des dogmes imbéciles.

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