Travailleurs en lutte

Ils n'en ont pas fini avec les cheminots

Cet éditorial a été publié dans tous les secteurs de la SNCF où paraissent régulièrement des bulletins Lutte Ouvrière

Malgré la grève, malgré l'opposition massive des cheminots, le gouvernement a donc choisi de faire passer en force sa « réforme ferroviaire », qui supprime la réglementation du travail à la SNCF et prépare la privatisation du transport voyageurs.

Ce gouvernement, qui a cédé à toutes les revendications du patronat, qui ne s'est opposé à aucun licenciement, même quand les fermetures d'usines dévastaient des départements et des régions entières, comme à PSA Aulnay ou à Florange, n'a rien voulu céder aux cheminots. Avec tous les privilégiés de ce pays, il s'est élevé contre la grève qui, à ses yeux, n'avait pas de raison d'être.

C'était ne pas vouloir entendre nos revendications, se moquer du manque criant de personnel, de nos conditions de travail dégradées, des salaires qui n'augmentent pas et de la crainte justifiée que nous avions que la réforme détériore encore notre situation. C'était ne pas vouloir entendre les raisons du ras-le-bol, de la colère ; une colère qui ne s'est pas apaisée avec la fin de la grève, loin s'en faut.

Eh bien, malgré toute cette hargne et les mensonges qui la justifiaient, les cheminots ont tenu tête, donnant au passage un cinglant démenti aux propos d'un Sarkozy qui, il y a peu de temps, ironisait sur le fait que maintenant, « quand les cheminots font grève, personne ne s'en rend compte ».

Cette grève, personne ne pouvait l'ignorer. Elle a été importante, au-delà même de la SNCF. C'est la première fois, depuis plus de deux ans que le gouvernement socialiste est en place, qu'à l'échelle du pays un secteur important du monde du travail, c'est-à-dire plusieurs dizaines de milliers de salariés, se dressent contre lui, rencontrant pour le moins la compréhension d'une large partie des usagers, que le mouvement gênait pourtant.

Pour autant, notre mouvement n'a pas été victorieux. La responsabilité n'en revient pas aux cheminots, qui ont répondu présents dans leur grande majorité. Elle n'incombe pas non plus aux militants syndicaux, qui ont été les fers de lance de la grève et sans la présence desquels le mouvement n'aurait pas eu lieu.

Le point faible de notre mouvement a été à sa direction et les limites dans lesquelles les confédérations syndicales l'ont enfermé.

Notre lutte aurait pu avoir le soutien d'autres catégories de travailleurs, et peut-être même s'étendre. C'est en tout cas ce que craignait Hollande quand, répondant à un journaliste, il a déclaré : « Le mouvement ne fédère pas les Français. Leurs revendications ne pourront pas en rejoindre d'autres. » Bel aveu de la crainte que la grève fasse tache d'huile.

C'est cette voie que les directions syndicales n'ont jamais voulu donner à la grève. Elles ont choisi d'en limiter les objectifs au seul retrait de la réforme, voire de revendiquer une autre réforme. Ce n'était pas le meilleur moyen de nous faire comprendre, de montrer aux autres travailleurs qu'ils pouvaient se retrouver dans nos revendications qui, outre le refus de la réforme, sont : les embauches, l'amélioration des conditions de travail, des salaires plus importants. Ce sont bien là les exigences à opposer aux attaques contre nos conditions d'existence. Elles sont celles de tous les travailleurs, confrontés aux mêmes attaques que les cheminots.

Poser clairement ces objectifs à la grève était nécessaire pour qu'un nombre plus grand de travailleurs identifient leurs intérêts aux nôtres. C'était la meilleure façon de combattre la propagande anti-cheminots du gouvernement et des médias.

Ce n'est pas le choix qu'ont fait les confédérations syndicales. Et on a même vu Thierry Le Paon, le dirigeant de la CGT, participer à l'enfumage du gouvernement en prétendant que les amendements totalement symboliques votés par le PS à l'Assemblée constituaient des avancées susceptibles de mettre fin à la grève.

Les grévistes, tous les militants qui ont préparé, organisé la grève, convaincu autour d'eux, méritaient bien mieux que la revendication étriquée et catégorielle que leur proposaient les directions syndicales.

Il faudra se souvenir de tout cela lors de nos mobilisations à venir : mobilisations qui viendront peut-être vite, dès que le gouvernement et les patrons du rail voudront nous imposer une convention collective qui s'en prendra à nos droits, à l'emploi, à nos conditions de travail, à nos salaires.

« Tous ensemble, tous ensemble » était le slogan de précédentes grèves. Il devra le redevenir.

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