Nathalie Arthaud lundi 9 juin : « Notre classe : le prolétariat international »11/06/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/06/une2393.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

La Fête de Lutte Ouvrière

Nathalie Arthaud lundi 9 juin : « Notre classe : le prolétariat international »

(...) Notre Fête n'est pas seulement celle de Lutte Ouvrière, mais aussi celle de l'Union Communiste Internationaliste, notre tendance politique internationale, dont font partie des camarades qui militent dans des lieux aussi divers que les Antilles dites françaises, La Réunion, les États-Unis, Haïti, la Côte d'Ivoire, la Belgique, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Italie ou la Turquie.

Pour les trouver dans les allées de la Fête, ne cherchez pas leur drapeau national : ils lèvent tous le même drapeau que nous, le drapeau rouge, le drapeau des travailleurs, le drapeau des communistes révolutionnaires.

Car notre classe n'est pas seulement le prolétariat de France, mais le prolétariat international. (...)

Les travailleurs ne pourront pas s'émanciper dans un seul pays

L'internationalisme n'est pas qu'une question de solidarité entre exploités et d'efficacité dans le combat. C'est la conviction que les travailleurs ne pourront pas s'émanciper dans un seul pays. C'est la conviction que le combat des travailleurs, qu'ils soient en Turquie, en Côte d'Ivoire, au Brésil ou en Afrique du Sud, est le combat de tous.

C'est ainsi que le mouvement ouvrier s'est construit. Dans le passé, les travailleurs se sont nourris des combats, des partis, des idées qui circulaient parmi les travailleurs des autres pays. Sans le Parti social-démocrate allemand des années 1890, le Parti bolchevique russe, le seul à avoir mené une révolution ouvrière jusqu'à la victoire, aurait eu du mal à exister.

Lénine, Trotsky, Rosa Luxemburg furent les grands dirigeants que l'on sait parce qu'ils se sont formés aux luttes des travailleurs d'Europe et du monde et aux débats politiques qui ont traversé les différents partis.

Le mouvement ouvrier n'est ni français, ni allemand, ni russe, il est par nature international, un internationalisme qui s'est incarné dans des partis ouvriers ouverts aux travailleurs de toutes les nationalités.

D'abord, parce que la classe ouvrière de chaque pays était composée de travailleurs immigrés. En France, la classe ouvrière du 19e siècle mêlait déjà des ouvriers belges, polonais, italiens. Sans parler de la classe ouvrière américaine, qui s'est construite sur l'immigration. Ensuite, parce que chaque parti ouvrier répondait au célèbre mot d'ordre lancé par Marx et Engels : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

Paul Lafargue, un des dirigeants du Parti ouvrier en France, a décrit dans les années 1890 l'état d'esprit des travailleurs qui participaient à la manifestation internationale du 1er Mai. Il explique que des ouvriers qui n'étaient jamais sortis de leur petite localité, et vivaient en dehors de toute agitation, s'informaient sur les manifestations dans les autres pays. Pays dont ils connaissaient à peine le nom et dont la situation géographique leur était inconnue.

Ils avaient, explique-t-il, la conviction que les ouvriers du monde entier agissaient et sentaient comme eux. Ils attendaient le 1er Mai comme un jour de libération, car ils se disaient que la lutte des camarades, au-dehors, ils ne savaient pas où, contribuait à l'amélioration de leur vie. Leur internationalisme allait de pair avec la lutte de classe, et il en va de même aujourd'hui. (...)

La société recule

En l'absence d'intervention massive et consciente de la classe ouvrière qui remette en cause le capitalisme, la société recule, non seulement sur le plan matériel, mais aussi sur le plan moral et idéologique. La crise dans laquelle le capitalisme est plongé depuis plus de quarante ans, et dont le dernier pic constitué par la crise financière de 2008 a laissé place au marasme économique, accule l'économie et la société dans une impasse.

L'économie, travaillée par une série de contradictions, est mûre depuis longtemps pour une transformation sociale. Les techniques, le niveau de développement, l'échelle à laquelle nous sommes capables de produire poussent à une collectivisation de la production, à une mise en commun.

Mais, en vertu du fait que la bourgeoisie possède les capitaux, elle domine toute la vie économique en fonction de ses intérêts individuels et égoïstes.

Faute de se transformer, l'économie est ainsi condamnée aux crises, au gaspillage des moyens de production, à l'exploitation éhontée des travailleurs. Et, faute de perspectives offertes aux populations, la société produit des reculs et des monstruosités inouïes.

En Europe, dans les années 1930, la crise du capitalisme avait engendré le fascisme et le nazisme, avant d'entraîner le monde entier dans la guerre. Les mêmes causes engendrant les mêmes effets, soixante-dix ans après, des forces du même ordre sont à l'oeuvre.

Partout où l'on porte son regard, on voit des forces qui militent pour un retour en arrière. Et la xénophobie, l'intolérance, la misogynie, le communautarisme, l'emprise des idées religieuses ne sont pas des « privilèges » réservés aux pays pauvres ! Aucun continent, aucun pays n'y échappe, pas même les pays les plus riches et les plus éduqués de la planète.

Le nationalisme : un piège mortel

Mais on peut voir en Ukraine où mène ce genre de logique nationaliste. (...) Rien ne prédisposait pourtant à creuser un fossé d'incompréhension et de haine entre ceux qui se sentent « ukrainiens » et ceux qui se sentent « russes ». Pendant des décennies, ils ont été les deux à la fois sans que cela pose de problème d'identité, ont parlé le russe ou l'ukrainien, passant sans problème d'une langue à l'autre. (...)

Pour que chacun se sente forcé de choisir un camp, entre prorusses ou pro-ukrainiens, il a fallu des forces politiques, des militants, pour faire croire qu'il y avait incompatibilité, pour désigner l'autre camp comme l'adversaire, le responsable de tous les maux, alors que la réalité des pensions de misère, des fermetures des mines, du chômage de masse, est autant partagée d'un côté que de l'autre ! (...)

L'internationalisme n'est peut-être pas spontané. Mais le nationalisme pas plus ! Le nationalisme, on nous l'inculque dès notre plus jeune âge. Eh bien, le mouvement ouvrier se doit de représenter l'inverse, la fraternité entre exploités de différents pays, l'internationalisme.

Les mêmes qui veulent ériger plus de frontières, pour y enfermer les peuples, ne voient pas de problème à ce que les capitaux de leur propre bourgeoisie colonisent le monde.

Le colonialisme est fini, mais l'Afrique continue à être vidée de son sang et de ses richesses comme au temps des colonies. Pour prélever tout ce qu'ils peuvent prélever sans avoir à délier les cordons de la bourse, les groupes capitalistes surexploitent les travailleurs, polluent des régions entières et s'appuient sur les pires dictateurs qui soient. Ils condamnent l'Afrique au sous-développement !

Et, après avoir pillé, affamé et divisé des peuples entiers, les dirigeants des pays riches s'inquiètent de ce que le continent est de plus en plus déstabilisé ! Après l'horreur du génocide rwandais, de la guerre au Congo, les agissements monstrueux de bandes fanatisées se multiplient.

Une barbarie qui répond à la barbarie

Après al-Qaida, c'est la secte Boko Haram qui sème la terreur. Hollande, comme toujours, s'est précipité sur la chose pour essayer de redorer son blason, dénonçant une « stratégie contraire à la civilisation », une stratégie de « destruction des principes fondamentaux de la dignité humaine ».

Eh bien, ces mots décrivent parfaitement les agissements des colons qui ont découvert l'Amérique et ont pratiquement exterminé sa population indienne ; les agissements des troupes coloniales françaises lors de la conquête de l'Algérie et lors de sa guerre d'indépendance ; le génocide perpétré au Rwanda, il y a tout juste vingt ans, avec la complicité du pouvoir français.

Oui, l'enlèvement de dizaines de filles, les attentats meurtriers de cette secte sont monstrueux. Mais les protestations d'une Michelle Obama, d'un Gordon Brown ou d'un Hollande laissent un goût amer. Car Boko Haram tire sa force de la pauvreté causée par le pillage du pays par les multinationales britanniques et américaines, dans le pétrole notamment, ainsi que de la haine engendrée par les guerres des grandes puissances impérialistes en Irak, en Afghanistan ou en Afrique.

À une situation monstrueuse de dénuement, de misère matérielle, répondent aujourd'hui à l'échelle du monde d'autres monstruosités : le fanatisme, l'ethnisme, le retour en force des idées moyenâgeuses, la persécution des femmes.

Et que des jeunes issus des pays riches comme la France s'engagent auprès de ces forces réactionnaires est la preuve que le pourrissement de la société est général. Ces jeunes gens recrutés, embrigadés et prêts à sacrifier leur vie en Syrie ou ailleurs pour la religion, doivent interroger la société entière.

Qu'une fraction de la jeunesse, qui devrait être tournée vers l'avenir, avoir des projets, des passions, des rêves, n'aspire qu'à instaurer la charia et retourner au passé, cela juge la société.

Il y a certes toujours eu des forces pour s'opposer au capitalisme au nom du passé, des forces qui voulaient revenir en arrière. Dans la Russie des Soviets, c'étaient ceux qui prônaient le retour au tsarisme ; en France, c'étaient ceux qui voulaient revenir à la monarchie.

Ces forces réactionnaires ont toujours existé. Le problème c'est qu'il y ait quelque chose en face. (...)

Défendre les perspectives communistes

Il faut qu'il y ait des gens qui pensent que la seule façon de combattre le capitalisme, ce n'est pas de décider de faire tourner la roue de l'histoire à l'envers, ce n'est pas de ramener le capitalisme en arrière, mais c'est de le dépasser.

Il faut des hommes et des femmes qui expliquent que cela ne peut se faire que de façon révolutionnaire. En dernier ressort, tout cela dépendra de ce que les travailleurs sachent ou non se saisir des perspectives dont ils sont porteurs, celles de permettre à la société de renverser le capitalisme pour fonder une économie supérieure.

Cela nécessite qu'il y ait un parti. Car ce n'est pas que les travailleurs ne se battent plus. À chaque fois que des masses se sont mises en mouvement, que ce soit en Tunisie, en Égypte, en Syrie ou, dans un autre contexte, en Ukraine, des travailleurs ont combattu.

Mais, faute de parti se fixant pour but de se battre pour les intérêts des travailleurs, ils se sont trouvés dépendants d'autres forces politiques. Ils n'ont pas eu d'expression politique qui leur soit propre.

Pour finir, ce sont les militaires qui se sont installés au pouvoir en Égypte. En Tunisie, le bras de fer entre les « démocrates » et les religieux est loin d'être gagné et, pour les droits des travailleurs, tout reste à faire. En Syrie, le mécontentement populaire qui s'était exprimé contre Assad s'est retrouvé piégé dans une guerre atroce, devenue un terrain d'entraînement pour les djihadistes et dont rien de bon ne peut sortir, ni d'un côté ni de l'autre.

Pour faire régresser toutes les forces réactionnaires que l'on voit se déployer à l'échelle du monde, il ne suffira pas de mener le combat idéologique, de prôner une société plus solidaire et plus humaine : il faudra se débarrasser du terreau qui les engendre, la société capitaliste.

La société capitaliste impose des rapports sociaux qui n'ont rien d'humain. Elle accroît les inégalités, les injustices, les dominations, et bloque tout développement humain. Dans cette société, ceux qui produisent et sont indispensables à la survie de la société, les ouvriers, les employés, les enseignants, les infirmières, sont considérés comme des pions.

Les parasites, les exploiteurs qui canalisent à leur profit les richesses créées par des millions d'autres, sont présentés comme de grands philanthropes, si ce n'est comme de grands hommes, comme Servier, cet empoisonneur qui avait le grade le plus élevé de la Légion d'honneur !

Une société où tout se mesure à l'aune de l'argent, de l'accumulation, de la richesse, où tout s'achète, les consciences, les femmes, les hommes, est une société qui ne peut que pourrir sur pied !

Eh bien il faut qu'aux antipodes de ces forces réactionnaires, se forment des partis révolutionnaires. (...)

Partager