La Redoute, Roubaix - Wattrelos : Le chantage du licencieur Pinault26/03/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/03/une2382.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

La Redoute, Roubaix - Wattrelos : Le chantage du licencieur Pinault

Dans le calendrier initial du plan de licenciements de 1 200 travailleurs sur trois ans, la direction de La Redoute avait prévu de tout boucler rapidement. La mobilisation des travailleurs l'a contrainte à poursuivre les négociations mais, lundi 17 mars, c'était la « dernière » séance. Ce jour-là, le site logistique de Wattrelos était quasiment à l'arrêt, la majorité des salariés faisant grève, tout le jour ou au moins une partie de la journée.

Les piquets regroupaient plusieurs centaines de travailleurs. Une partie des employés de Roubaix était là aussi. La direction reculait : la base minimum d'indemnités extralégales passait de 15 000 à 20 000 euros pour tous, plus les 750 à 1 200 euros par année d'ancienneté déjà acquis, le congé de reclassement de 12 à 18 mois était un peu amélioré, et les préretraites se confirmaient pour les plus de 55 ans, payés à 80 % du salaire jusqu'à la retraite mais avec une petite prime en plus.

Cela restait loin des revendications, qui étaient de 40 000 euros minimums plus 1 500 euros par année d'ancienneté, mais la mobilisation avait quand même payé. Au début, la direction ne proposait qu'environ 10 000 euros pour les plus jeunes, et les préretraites à 57 ans.

Mais les syndicats étaient mis en demeure de signer avant vendredi 21 mars.

Ultimatum de la direction

Mercredi 19 mars, plus d'une centaine de travailleurs de Wattrelos allèrent à la rencontre de ceux du siège de Roubaix pour défendre l'idée que la mobilisation payait et qu'il fallait la continuer. À cette assemblée générale, ils virent arriver plus d'une centaine de salariés, plutôt gradés, portant des pancartes « Il faut signer pour La Redoute ». Les grévistes, plus à l'aise, réussirent à déstabiliser les non-grévistes en les invitant à prendre le micro pour discuter et expliquer leur point de vue.

Jeudi 20 mars était une journée de grève et manifestation à Wattrelos. La manifestation a regroupé autant de monde que la semaine précédente à Tourcoing, environ 700 salariés. Tout le monde discutait, reprenait les slogans : « Pinault voyou, Pinault bandit ».

Une réunion des adhérents et délégués CFDT était organisée dans la foulée de cette manifestation avec des dirigeants nationaux et régionaux de ce syndicat. Ces derniers étaient venus pour expliquer qu'il fallait signer en l'état et arrêter la mobilisation mais la majorité des adhérents s'y opposa, dans une réunion paraît-il assez houleuse. À la fin de cette réunion, les adhérents CFDT rejoignirent le piquet de grève pour retrouver ceux avec qui ils se mobilisent depuis le début.

Parallèlement, la direction de La Redoute posait un ultimatum : si l'accord n'était pas signé vendredi 21 mars avant 14 heures par la CFDT pour obtenir un accord « majoritaire » – la CFE-CGC ayant dit qu'elle signerait – c'était le dépôt de bilan de l'entreprise.

Ce jour-là se tenait une réunion du comité d'entreprise sur la cession. La direction organisa alors de nouveau une descente de non-grévistes dirigée par l'encadrement pour faire pression à la signature sur les syndicats. Tous les pro-direction tenaient une feuille de papier imprimée « Signez pour La Redoute ». Mais les travailleurs de La Martinoire, prévenus de ce sale coup, se réunissaient rapidement et à plusieurs centaines arrivaient au siège pour faire une contre-pression salutaire.

La CFDT finit par signer

Malgré les rumeurs qui circulaient, entretenues par la direction – « lundi, personne ne sera payé » – , malgré la PDG Balla qui faisait la claque, elle si soucieuse d'habitude de donner une image de modérée, et malgré les propos alarmistes de l'avocat du comité d'entreprise, les grévistes tinrent tête. Cette détermination des grévistes, dont une partie des adhérents de la CFDT, explique pourquoi la direction de la CFDT n'a pas signé vendredi à 14 heures.

Mais, bien évidemment, pendant le week-end des 22 et 23 mars, des tractations ont eu lieu entre les dirigeants de la CFDT et la direction, à l'abri de la pression des travailleurs. Les médias ont relayé en boucle l'idée que les salariés mobilisés faisaient prendre le risque de tout fermer. Comme si ce n'était pas Pinault qui menaçait aujourd'hui l'ensemble des travailleurs après avoir pompé l'argent de La Redoute et mis les comptes dans le rouge.

Lundi 24 mars, une assemblée générale des grévistes a réuni encore plus de 350 salariés. Le dirigeant de la CFDT n'était plus visible et, dans l'après-midi, les travailleurs apprenaient par les médias qu'il avait signé l'accord, Pinault n'avait pas ajouté un sou.

La lutte, faite de multiples débrayages et de nombreuses manifestations réussies, était bien suivie à La Martinoire, moins chez les employés du siège. Elle a été assez forte pour avoir fait reculer plusieurs fois la direction. Elle a été longtemps soutenue par tous les syndicats ouvriers et employés.

L'ultimatum de la direction, les pressions de tous les politiques et des médias, la pression des dirigeants de la CFDT ont bien sûr affaibli le mouvement qui a été finalement suspendu mardi 25 mars après une dernière assemblée générale qui a encore réuni 250 personnes à La Martinoire.

Les travailleurs les plus combatifs, qui se battaient depuis bientôt une année contre ces licenciements et en tout cas pour améliorer les conditions de départ, peuvent être fiers de leur lutte. Ils ont appris à se défendre et ils sont conscients que ce n'est pas fini face aux attaques à venir de cette direction mise en place par le richissime Pinault pour sous-traiter les licenciements massifs, si ce n'est la fermeture complète de La Redoute.

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